La banque Arab Bank a été reconnue lundi coupable de financer des activités terroristes par un tribunal new-yorkais, une première pour un établissement financier qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour l'ensemble du secteur bancaire.

Dans un jugement lu devant un tribunal de Brooklyn, le juge Brian Cogan a indiqué que la prestigieuse banque multinationale basée en Jordanie avait financé des organisations telles que le Hamas et le Jihad islamique considérées aux Etats-Unis comme des organisations terroristes.

Après près de dix ans d'instruction, un mois de procès et deux jours de délibérations, un jury populaire composé de sept femmes et de trois hommes a en effet répondu par l'affirmative aux vingt-quatre chefs d'accusation retenus contre l'établissement financier.

Les avocats de la banque présents dans la salle ont annoncé dans la foulée leur intention de faire appel d'un jugement qu'ils ont qualifié de «simulacre de justice».

«Dans de telles circonstances, le jugement d'aujourd'hui qui reconnaît la culpabilité de la banque alors qu'elle n'a fourni que des services financiers légitimes et de routine n'est pas une surprise».

L'établissement comparaissait depuis mi-août après une plainte déposée par quelque 300 Américains, victimes ou ayants-droit de victimes d'une vingtaine d'attentats entre 2001 et 2004 en Israël, à Gaza et en Cisjordanie.

Elle était accusée d'avoir versé, par l'intermédiaire de l'organisation non-gouvernementale Saudi Committee, 5300 dollars à chacune des familles d'auteurs d'attentats suicides.

La banque n'a pas nié avoir transféré de l'argent à des Palestiniens à la demande de Saudi Committee, qui a des comptes chez elle. Mais elle objectait que les bénéficiaires ne figuraient sur aucune liste terroriste et que rien ne pouvait prouver que cet argent avait servi à financer des attentats.

Arab Bank affirme avoir fait elle-même les frais du terrorisme.

Actionnaire à hauteur de 20%, la famille Hariri a également payé un lourd tribut aux attentats qui ont ensanglanté son pays, le Liban. En 2005, Rafic Hariri, alors Premier ministre, avait été tué dans un attentat à la voiture piégée.

Maintenant Crédit Agricole?

Cette décision va avoir des répercussions lourdes aussi bien pour la banque que pour l'ensemble du secteur.

Arab Bank, qui dispose d'un bureau au 520 Madison Avenue, l'une des plus chères de Manhattan, va-t-elle devoir le fermer ? Va-t-elle perdre sa licence bancaire aux Etats-Unis ?

«La question est maintenant de savoir comment le reste du secteur financier, les régulateurs et les gouvernements vont réagir», a confié Gary Osen, un des avocats des plaignants.

Choisie par les pays donateurs et les organisations internationales pour leurs opérations financières dans les Territoires palestiniens, Arab Bank gère aussi le compte de l'Autorité palestinienne.

Elle reçoit le produit des taxes douanières et de la TVA prélevées par Israël pour le compte de l'Autorité palestinienne. Son bénéfice net a progressé de 7% au premier semestre.

«Cette plainte ayant été déposée par des individus, ce jugement n'aura pas de conséquence sur l'avenir de la banque aux Etats-Unis», assure à l'AFP l'ex-procureur et avocat Jacob Frenkel.

En revanche, il «envoie le message que les institutions financières qui font des affaires avec des organisations qualifiées de terroristes mettent en danger leurs actifs si elles opèrent en même temps aux Etats-Unis».

Selon l'avocat en effet, Arab Bank pourrait voir un juge ordonner, à la demande des plaignants, une saisine de ses actifs.

Ce procès, l'un des tout premiers qui voit une banque accusée de financement de terrorisme, crée en outre un précédent.

La banque française Crédit Agricole, la britannique NatWest (Royal Bank of Scotland) et Bank of China font également face à des accusations similaires de financement de terrorisme aux Etats-Unis.

Dans le cas de Crédit Agricole, c'est sa filiale Crédit Lyonnais qui est accusée d'avoir, en 1990, abrite le compte bancaire d'une ONG, censée financer le Hamas, selon le dernier rapport annuel de la banque. L'établissement nie en bloc ces accusations. Le procès est prévu au plus tôt cet automne à New York.

Arab Bank va pour sa part désormais préparer sa défense dans le cadre d'un procès pour dommages et intérêts, les plaignants lui réclamant un milliard de dollars, selon leurs avocats.