Le Brésil, septième économie mondiale, est entré en récession au premier semestre, une douche froide pour la présidente Dilma Rousseff dont la réélection en octobre est déjà menacée.

Selon les données officielles publiées vendredi, à un peu plus d'un mois des élections générales, le Produit intérieur brut (PIB) du géant émergent d'Amérique latine a reculé de 0,6% au deuxième trimestre par rapport au premier.

L'Institut brésilien de géographie et des statistiques (IBGE, étatique) a aussi revu en baisse la performance du premier trimestre, de +0,2% à -0,2%.

La première économie du continent vient ainsi d'enregistrer deux trimestres consécutifs de recul, synonymes de récession.

L'IBGE attribue notamment ce phénomène à la crise de la production industrielle et à la grande quantité de jours fériés décrétés pendant la Coupe du monde de football (12 juin au 13 juillet).

L'activité industrielle a reculé de 1,5% au deuxième trimestre, le commerce de 2,2% et les services de 0,5%, dans un contexte atone de consommation des ménages (+0,3%).

Les taux d'intérêt élevés et les incertitudes sur le résultat des élections ont accentué la baisse des investissements (-5,3%).

Le ministre de l'Économie Guido Mantega a reconnu que ce «résultat était inférieur aux attentes» et que le gouvernement allait revoir à la baisse sa prévision de croissance actuelle de 1,8% pour 2014, alors que le marché table sur à peine 0,7%.

«Nous avons connu un ensemble de problèmes qui ne vont pas se répéter», a-t-il assuré, prévoyant un retour à une croissance positive modérée au second semestre.

La récession n'arrange pas les affaires de la présidente candidate de gauche Dilma Rousseff, déjà très critiquée sur le front économique.

D'autant que l'entrée en lice inattendue de la populaire écologiste Marina Silva, après la mort de son allié socialiste Eduardo Campos dans un accident d'avion le 13 août, a bouleversé la campagne.

Deux sondages donnent cette semaine Mme Silva largement victorieuse en cas de probable second tour face à Dilma Rousseff, qui reste favorite du premier tour du 5 octobre.

«Pas coulé»

«Je crois que c'est un résultat momentané» et que «nous assisterons à un grand rattrapage au trimestre prochain», s'est défendue Mme Rousseff.

Ses adversaires dans la course à la présidence n'ont pas tardé à exploiter ces mauvais résultats.

«C'est très préoccupant», a déclaré Marina Silva en présentant son programme électoral à Sao Paulo. «Le Brésil doit récupérer sa crédibilité. C'est la seule manière de retrouver le chemin de la croissance», a-t-elle ajouté.

Le social-démocrate Aecio Neves, troisième dans les sondages, a jugé «triste qu'à la fin de son mandat, le gouvernement lègue ce cadre extrêmement pervers pour les Brésiliens de récession économique et d'inflation hors de contrôle».

L'inflation a atteint 6,5% sur 12 moins en juillet, soit le plafond fixé par le gouvernement.

Comme à chaque mauvaise nouvelle fragilisant le gouvernement de Mme Rousseff, la Bourse de Sao Paulo a clôturé en sensible hausse, de 1,65%.

«Les marchés répondent de manière positive aux derniers sondages signalant que la réélection de Rousseff est menacée», relève Robert Wood, analyste de Economist Intelligence Unit.

Selon lui, l'arrivée au pouvoir de Marina Silva ou du social-démocrate Aecio Neves (PSDB) contribuerait à restaurer la confiance des milieux économiques.

L'entrée en récession «va sensiblement affecter Dilma, cela fait partie du jeu», commente André Perfeito, analyste économique du consultant Gradual Investimentos.

«Le Brésil n'est pas pour autant coulé», ajoute-t-il, prévoyant comme la plupart des analystes une croissance modérée au second semestre.

Le premier trimestre «a été très, très mauvais», analyse-t-il. «Nous avons eu des menaces de coupures d'électricité et de rationnement d'eau» - à cause de la sécheresse dans le sud-est industriel -, «le Brésil a souffert de l'abaissement de sa note souveraine par Standard and Poor's, et ses exportations ont beaucoup pâti de la crise en Argentine».

«Douleurs de croissance»

Les adversaires politiques de Dilma Rousseff et les milieux économiques lui reprochent d'avoir laissé dangereusement filer l'inflation pour soutenir en vain la croissance et son interventionnisme sur certains secteurs, en particulier l'énergie.

Après le boom du début des années 2000, «l'économie brésilienne a ralenti, entre autres parce que la consommation des ménages alors dopée par l'accès au crédit a cessé d'augmenter», explique M. Perfeito.

«Mais d'une manière générale, l'économie brésilienne a acquis une autre dimension et va continuer à croître à l'avenir. Le Brésil a des douleurs de croissance», estime-t-il.

Après un dernier pic de 7,5% du PIB en 2010, l'économie a progressé de 2,7% en 2011, 1% en 2012 et 2,5% en 2013.