La Chine a enregistré une solide croissance ce printemps, un exploit réussi à coups de voies ferrées, d'immobilier et d'autres dépenses en infrastructures qui alourdissent la dette nationale. La deuxième économie mondiale carbure - encore et toujours - au crédit, déplorent des experts.

«La Chine atteint sa cible de croissance», titraient des médias américains mercredi dernier sur le web.

La nouvelle, très attendue par les investisseurs, a donné un élan aux marchés boursiers de la planète ce jour-là, incluant la Bourse de Toronto, dont le secteur des métaux est étroitement lié à la demande chinoise.

Les autorités chinoises pouvaient en effet se réjouir en annonçant que la croissance économique du pays a atteint 7,5% (taux annuel) au deuxième trimestre, soit la cible fixée par Pékin et un léger rebond après la hausse de 7,4% du premier trimestre.

Or, plus la Chine se targue de ses performances économiques, plus des gens comme David Cui deviennent pessimistes.

Le stratège boursier de Bank of America, considéré comme «le numéro un» au monde dans son secteur par le magazine Institutional Investor, croit en effet que les marchés boursiers, en Chine surtout, se réjouissent «pour les mauvaises raisons», dit-il dans une étude.

Qu'est-ce qui alarme M. Cui ,au juste?

C'est que le rebond de la Chine est surtout le fruit des mesures de relance mises en oeuvre par le gouvernement l'hiver dernier. Un plan qui repose surtout - comme par le passé - sur des dépenses massives en infrastructures qui alourdissent la dette nationale, déjà très élevée.

«L'économie n'aurait absolument pas pu atteindre la barre de 7,5% de croissance sans ces mesures de relance», confirme la firme Everbright Securities, de Shanghai, dans une note financière.

En fait, plus de la moitié (54,4%) de la croissance chinoise repose sur «des mesures de soutien», dont la construction de rails, la rénovation des logements sociaux et des assouplissements du crédit, précise la banque française Natixis. Autrement dit, le secteur privé et le consommateur chinois, de qui on attend beaucoup, ont peu contribué à cette remontée.

Les mesures, les conséquences

Pour prévenir un ralentissement de l'économie et des débordements sociaux, le gouvernement avait dévoilé en avril une batterie de mesures de relance.

Abaissement de la fiscalité des PME, accélération de la construction de nouveaux quartiers et construction de 6600 km de chemins de fer cette année... autant de mesures qui ont fait bondir les investissements en actifs fixes au pays (+ 17,3% sur un an en juin).

Or, tout ça a été réalisé grâce au crédit.

Les financements bancaires en Chine ont ainsi bondi de près de 17% en juin - à 1080 milliards de yuans (187 milliards CAN) -, un niveau nettement plus élevé que les prévisions des experts.

Si bien que la poussée du crédit en Chine a excédé la croissance économique du pays à chacun des trimestres depuis 2008, selon des données de Bloomberg.

D'autres sources indiquent qu'en ajoutant le fameux financement «non officiel» en Chine, une activité parallèle au système bancaire et surnommée «shadow banking», la hausse du crédit serait plutôt de l'ordre de 40% en un mois.

Lourde dette

Résultat: l'ensemble des dettes - privées et publiques - représentait 206% de l'économie chinoise (PIB) à la fin du deuxième trimestre 2014, selon Bloomberg, contre 202% au trimestre précédent.

D'autres analyses, dont celle de la société de gestion Gavekal, de Hong Kong, évaluent plutôt le poids de la dette chinoise à 240% du PIB à la fin de 2014, contre 220% à la fin de 2013. Un niveau dangereusement élevé qui excède celui des pays les plus endettés d'Europe, dont la Grèce (environ 175%) et le Portugal (130%).

De toute évidence, Pékin est préoccupé ces jours-ci par les risques d'un ralentissement économique, surtout dans le fragile secteur immobilier et ses milliers de logements tout neufs encore vacants. Une crise immobilière serait catastrophique en Chine, cette industrie générant plus de 20% de l'activité économique du pays.

L'an dernier, le pouvoir chinois avait pourtant signalé sa volonté de tolérer une croissance plus faible à l'avenir après deux décennies de gains à deux chiffres, afin de mettre en oeuvre des réformes structurelles. Celles-ci sont indispensables si la Chine doit moderniser son modèle économique à bout de souffle, qui repose sur la fabrication de bas de gamme, les exportations et les investissements dans la brique et le mortier.

Mais actuellement, c'est la croissance qui prime. Quitte à remettre à plus tard le lourd travail de restructurer l'économie et de s'attaquer à la dette.