Le Mexique bouillonne. Depuis un mois, des géants industriels étrangers multiplient les annonces d'investissement alors que le gouvernement poursuit des réformes majeures dans l'énergie et les télécommunications.

La Chine n'est plus «l'usine du monde» la plus performante. En tenant compte de la productivité, des salaires et des taux de change, produire au Mexique revient moins cher, selon une nouvelle étude du Boston Consulting Group (BCG).

Toujours à l'affût de bonnes occasions, les géants industriels de la planète en ont pris bonne note, si bien que plusieurs parient des milliards sur l'«avantage mexicain».

Depuis un mois, au moins quatre grands groupes européens de l'automobile ont annoncé des investissements majeurs au Mexique, ce qui accélère encore la progression spectaculaire de cette industrie depuis 10 ans au pays de la tequila.

Le constructeur allemand BMW vient d'annoncer qu'il dépensera 1 milliard d'euros (1,45 milliard de dollars) pour construire sa toute première usine mexicaine, qui entrera en service en 2019.

Pour sa part, l'équipementier (Robert) Bosch investira 600 millions de dollars d'ici trois ans, avec à la clé la création de 3000 emplois pour les Mexicains.

Est-ce le soleil généreux? Ou les plages? Toujours est-il que le Mexique attire toujours plus de constructeurs des froides régions nordiques. L'alliance franco-japonaise Renault-Nissan et le constructeur allemand Daimler y produiront une nouvelle génération de véhicules compacts, a-t-on appris récemment. On prévoit investir 1 milliard d'euros et créer 5700 emplois à Aguascalientes, au centre du pays.

Au rythme où vont les choses, dès l'an prochain, l'industrie mexicaine produira plus de véhicules que le Brésil, leader du secteur en Amérique latine.

Le Mexique, faut-il le rappeler, connaît aussi du succès auprès d'entreprises de l'aéronautique (dont Bombardier) et de l'électronique, qui ont d'importantes usines au pays.

Les Mexicains cherchent à séduire le monde industriel avec l'argument de la compétitivité, qui fait du pays l'un des plus attrayants au monde, selon BCG. Le Mexique joue aussi un autre atout: sa proximité des États-Unis, avec qui il réalise 80% de ses échanges.

Des réformes ambitieuses

Toutefois, étrangement, l'économie mexicaine est dans une phase creuse cette année en raison d'une consommation et d'une demande américaine au ralenti. L'économie n'a crû que de 1,1% l'an dernier, le pire résultat en quatre ans.

Aussi le gouvernement d'Enrique Pena Nieto, élu à la fin de 2012, tente-t-il de pousser des réformes structurelles pour moderniser l'État malgré une vive opposition et la pression des lobbys industriels.

Ainsi, le secteur de l'énergie doit s'ouvrir aux investisseurs étrangers - une réforme-choc pour les Mexicains, qui sont très attachés à la société d'État Pemex. Une cinquantaine d'entreprises européennes, à commencer par la française Total, s'intéressent aux occasions offertes par la réforme, qui ouvrira l'exploitation et l'exploration des hydrocarbures aux sociétés privées, nationales et étrangères.

Mexico n'avait plus le choix: la production pétrolière, qui procure le tiers des revenus fiscaux de l'État, diminue sans cesse depuis une dizaine d'années.

En outre, le gouvernement Nieto vient de marquer des points contre ses détracteurs sur un autre front sensible.

À la surprise générale, le géant mexicain des télécommunications America Movil, contrôlé par le milliardaire Carlos Slim, a annoncé la semaine dernière qu'il était prêt à se séparer d'une partie de ses activités pour ramener sa part du marché des télécoms à moins de 50%. Il veut ainsi échapper à une nouvelle réglementation du gouvernement Nieto, qui veut briser son quasi-monopole.

America Movil possède environ 70% du marché mexicain de la téléphonie mobile et 80% du marché du fixe.

Certes, beaucoup doutent de la capacité du gouvernement de relancer l'économie mexicaine, souvent promise à un bel avenir mais toujours minée par une guerre sanglante au trafic de la drogue ainsi que par la corruption, les inégalités sociales et le travail au noir (un travailleur sur deux environ).

Il reste que, l'an dernier, le Mexique a réussi à attirer un chiffre record d'investissements directs étrangers (IDE), soit 35 milliards US. C'est un message fort du reste du monde.

Le retour d'Enrique Peña Nieto, 47 ans, aux commandes du vieux Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre) marque un virage important. Des analystes parlent d'une «nouvelle révolution mexicaine» qui, pour le moment, a au moins redonné confiance aux industriels.