BNP Paribas a assuré mardi avoir les reins suffisamment solides pour assumer sans soutien extérieur l'amende record de 8,9 milliards infligée la veille par les États-Unis pour violation d'embargos économiques américains.

Réglée à l'amiable après d'âpres négociations suivies au plus haut sommet de l'État en France, l'affaire ne devrait finalement pas non plus nuire aux pourparlers en cours pour un accord de libre-échange UE-USA, comme Paris en avait brandi la menace.

Directeur financier du premier groupe bancaire français, Lars Machenil, a mis en avant mardi son «ample» situation de liquidité et jugé qu'il n'avait «pas besoin de se précipiter» pour augmenter ses fonds propres, excluant tout appel aux marchés dans l'immédiat.

La veille, BNP Paribas avait reconnu avoir réalisé des opérations en dollars avec le Soudan, l'Iran et Cuba, trois pays sous embargo américain. Pour éviter un procès, la banque a accepté d'écoper de la plus lourde amende jamais infligée par les États-Unis à un établissement étranger.

«BNP Paribas devrait très largement résister à l'amende infligée par les autorités américaines qui, en comparaison avec les actifs gérés par la banque, ne représente qu'un montant très faible», a souligné Christopher Dembik, analyste chez Saxo Bank.

Pour régler ce qu'elle doit, BNP Paribas va donc piocher dans son confortable matelas de fonds propres, notamment constitué par la mise en réserve de ses bénéfices ces dernières années, en enregistrant une charge exceptionnelle de 7,6 milliards dans ses comptes du deuxième trimestre.

L'établissement français, bon élève européen au cours de la crise, en a les moyens, lui qui n'avait jamais affiché de perte durant cette période de turbulences.

Tout au plus, son ratio de fonds propres baissera pour atteindre environ 10%, contre 10,6% au 31 mars. Même à un tel niveau, il restera encore nettement au-dessus des exigences réglementaires.

Le régulateur bancaire français avait déjà tenu à rassurer sitôt l'ampleur des sanctions connue. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution avait jugé dès lundi soir que BNP Paribas était capable d'absorber «les conséquences anticipées» de la punition.

Le directeur général, Jean-Laurent Bonnafé, a enfoncé le clou mardi: «aucun client, ni aucun contribuable français ne seront mis à contribution. Cette sanction financière n'aura aucun impact sur nos tarifs, sur la sécurité financière de nos clients ou sur le service que nous leur apportons», a-t-il insisté auprès de l'AFP.

Dédramatisation

Dans un message interne que s'est procuré l'AFP, il a, en outre, promis qu'il n'y aurait pas de conséquence sur l'emploi ou sur la politique de rémunération.

Les actionnaires du groupe, qui ont pu un temps craindre de devoir renoncer à leur dividende cette année, ont également été rassurés puisqu'ils toucheront cette année 2,05$ par action, le même montant que l'an passé.

Rassérénés par ces nouvelles, les investisseurs ont porté le titre BNP Paribas au sommet du CAC 40: à 6h12, il prenait 4,05% à 51,55 euros, dans un marché en hausse de 0,64%.

Le règlement du litige bénéficiait aussi à l'ensemble du secteur puisque Société Générale (+3,32% à 39,53 euros) et Crédit Agricole SA (+1,89% à 10,50 euros), elles aussi dans le viseur américain pour des faits similaires, voyaient leur cours grimper.

La sanction financière américaine se double de la suspension de certaines opérations en dollars, qui frappera BNP Paribas pendant toute l'année 2015. Mais la banque a déjà prévu de faire appel à un tiers pour la suppléer.

Surtout, les transactions concernées, liées au gaz et au pétrole, ne pèsent qu'une goutte d'eau (1%) dans son activité.

Les analystes s'interrogent désormais davantage sur l'impact de l'aveu de culpabilité du groupe français pour son image.

«Pour les clients qui ne connaîtraient pas la banque, il peut y avoir un risque de réputation, car cela s'apparente à un casier judiciaire», explique Eric Delannoy, vice-président du cabinet Weave.

Pour l'heure, le directeur financier de BNP Paribas a estimé qu'il n'existait pas d'«incertitudes massives» en la matière.

Le gouvernement français qui, sans contester la légitimité des sanctions américaines, avait insisté jusqu'au dernier moment pour qu'elles restent «justes et proportionnées», joue désormais lui aussi la dédramatisation.

Pour le ministre des Finances Michel Sapin, l'accord officialisé lundi «préserve l'avenir de la banque qui pourra continuer à «financer l'activité économique dans des conditions satisfaisantes».

Depuis Washington, la secrétaire d'État au Commerce extérieur Fleur Pellerin a assuré qu'il n'y avait au final «ni risque ni lien» entre l'affaire BNP et les négociations sur le traité de libre-échange transatlantique, dont le ministre de l'Économie Arnaud Montebourg avait prédit dimanche un durcissement.