Mesures pour stimuler le crédit, dépenses en infrastructures, aide aux PME... La Chine multiplie discrètement les mesures pour soutenir son économie. Un «mini plan de relance», mais de plus en plus gros, qui témoigne de l'inquiétude des autorités.

La deuxième économie mondiale connaît un printemps tristounet, même si les magnolias et les cerisiers de Pékin ont affiché leurs plus belles couleurs cette année, selon des visiteurs.

Sur le plan économique, le panorama chinois est en effet plutôt gris ces jours-ci. Et ce, dans plusieurs secteurs névralgiques.

Pour la première fois depuis près de deux ans, les prix de l'immobilier en Chine ont baissé en mai dans les 100 plus grandes villes, nous apprend la China Index Academy. Une baisse minime en soi (- 0,32% en moyenne), mais un repli néanmoins qui marque un tournant, disent les experts.

L'activité dans le secteur des services, par ailleurs, est tombée en mai à son plus faible niveau en quatre mois, selon un indice de référence (HSBC/PMI), pendant que l'industrie manufacturière continue de décroître malgré une certaine embellie le mois dernier.

Et, dernier clou dans le cercueil de la période frénétique des 10 dernières années, le Fonds monétaire international (FMI) a abaissé jeudi sa prévision de croissance pour la Chine en 2015 à environ 7,0%, contre 7,3% auparavant. Fini le temps des hausses «à deux chiffres».

Aussi, les autorités chinoises en ont assez vu. Devant les nombreux signes de ralentissement, elles déploient sans tambour ni trompette diverses mesures pour soutenir la première économie d'Asie.

Au début du mois d'avril, Pékin a déballé un programme visant à accélérer les dépenses dans les infrastructures, notamment dans les secteurs ferroviaire et énergétique. Par la suite, le secteur privé a même été invité à participer à 80 projets totalisant quelque 1000 milliards de yuans (180 milliards CAN). S'ajoutaient à cela, plus récemment, des mesures fiscales pour aider les PME.

Sur le plan monétaire, la Banque centrale de Chine a diminué les taux de réserves obligatoires de certaines banques rurales pour faciliter le crédit. Autrement dit, celles-ci pourront prêter davantage. Le gouvernement a aussi demandé aux grandes banques de se remettre à octroyer des prêts immobiliers, après avoir sévèrement restreint cette pratique l'an dernier.

Enfin, malgré les démentis de Pékin, les cambistes à Londres et New York sont convaincus que les autorités chinoises ont piloté ces derniers mois un décrochage de 3,2% du yuan par rapport au dollar américain. Le but: aider les exportateurs chinois qui perdent des parts de marché.

Certes, le gouvernement a qualifié du bout des lèvres ses interventions de «mini plan» de relance. Sauf que mises bout à bout, ces mesures ressemblent de plus en plus à une grosse injection d'adrénaline dans une économie en manque d'énergie.

«Ce plan [de relance] est indéniablement de plus en plus gros», affirme la firme Mizuho Securities dans une note financière. Le Crédit Agricole et la banque UBS évaluent que les seuls investissements dans les infrastructures gonfleront de 0,6 à 1,0% le produit intérieur brut (PIB). Bref, c'est une poussée significative dans le dos de l'économie.

Immobilier: la bulle se dégonfle

La source principale d'inquiétude des autorités est peut-être le secteur immobilier qui, selon des experts, a atteint un point de retournement après des années d'emballement.

La firme japonaise Nomura Securities est catégorique: la bulle immobilière chinoise «se dégonfle». Lentement, mais sûrement.

Pas surprenant que Pékin ait subitement demandé à ses banques de distribuer plus de prêts immobiliers, et à des taux «raisonnables». Les mises en chantier ont chuté de 22% sur un an, de janvier à avril, tandis que la valeur des ventes de logements diminuait de 10% sur la même période.

La perte de vitesse de l'immobilier menace surtout les gouvernements locaux, qui sont lourdement endettés et qui dépendent de ce secteur pour 30 à 60% de leurs revenus fiscaux, évaluent des analystes.

C'est donc toute la question de l'endettement chinois qui refait surface. Rappelons que, pour amenuiser l'impact de la crise financière, la Chine avait déployé en 2009 un imposant plan de relance de 600 milliards CAN, mais qui pèse toujours sur les finances de l'État. L'ensemble des dettes des secteurs privé et public représente plus de deux fois (234%) la taille de l'économie, selon la firme CLSA, de Hong Kong.

Pour certains économistes, les plus récentes mesures de soutien témoignent surtout de l'empressement du premier ministre Li Keqiang de «sauver la face», lui qui s'est fixé un objectif de croissance à 7,5% par an. Pas question pour la Chine de décevoir les milieux économiques.

Et ce n'est pas fini. La banque Standard Chartered et Nomura s'attendent à ce que Pékin annonce cet été d'autres mesures «significatives» pour stimuler le crédit.