Le taux de chômage a encore augmenté en Espagne au premier trimestre, à 25,93%, proche de son record historique, une situation qui incite nombre de demandeurs d'emploi, découragés, à abandonner leurs recherches, voire à quitter le pays.

La quatrième économie de la zone euro comptait fin mars 5,93 millions de chômeurs, soit 2300 de moins qu'il y a trois mois, ce qui pourrait être le signe d'un début de changement de tendance, alors que le pays semble sur la voie de la reprise économique.

L'Institut national de la statistique (INE) souligne en effet que c'est la première fois, depuis 2005, que le premier trimestre, traditionnellement mauvais en termes d'emploi, enregistre une baisse du nombre de chômeurs.

Mais cette infime baisse du nombre de demandeurs d'emploi est totalement effacée par le recul de la population active (187 000 personnes en moins), qui gonfle mécaniquement le taux de chômage.

Ce dernier passe ainsi de 25,73% fin décembre à 25,93% fin mars.

Le gouvernement conservateur, qui répète ces derniers mois un discours teinté d'optimisme à la faveur de la sortie de la récession, s'est empressé de saluer ces chiffres, «porteurs d'espoir», selon le ministre du Budget Cristobal Montoro.

«Oui, nous sortons de la crise, il ne faut pas cesser de le dire», a-t-il affirmé, et «nous voyons que le nombre de chômeurs s'est réduit par rapport à il y a un an», avec 344 900 demandeurs d'emploi en moins.

Mais «le nombre de chômeurs baisse, non parce qu'ils ont trouvé un travail, mais parce qu'ils ont arrêté de chercher», rétorque Sara de la Rica, professeur de l'université du Pays Basque et chercheuse à la Fondation d'études d'économie appliquée (Fedea).

Elle souligne «le taux d'activité de 59%, très bas, et le taux d'emploi de 44%», lui aussi très faible.

Sur le trimestre, presque autant de demandeurs d'emploi ont quitté cette catégorie pour travailler (798 100) que pour passer à l'inactivité (781 300), selon les chiffres de l'Ine.

«Aucune perspective»

«Cela serait bien mieux que la baisse du chômage soit la conséquence de la création d'emploi», observe Javier Velazquez, professeur d'économie à l'université Complutense de Madrid.

«Il y a beaucoup d'actifs qui abandonnent le marché du travail parce qu'ils n'ont aucune perspective de trouver un emploi», note-t-il: «ils finissent par se décourager».

Autre phénomène, celui «des immigrants qui abandonnent le pays en se disant qu'ici, il n'y a pas de perspective de travail, surtout ceux qui sont venus en Espagne pour travailler dans le secteur de la construction», sinistré depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008.

Selon les statistiques de l'Ine publiées la semaine dernière, la population en Espagne a baissé en 2013 pour la deuxième année consécutive, à 46,7 millions de personnes, en raison du départ de nombreux résidents étrangers, avec notamment le départ de nombreux Britanniques, Équatoriens et Colombiens.

Enfin, il y a aussi «la population espagnole, surtout des jeunes formés qui quittent le pays pour chercher un emploi», souligne Javier Velazquez.

La situation reste en effet dramatique pour les moins de 25 ans, les plus touchés par le chômage avec un taux de 55,5%.

En outre, près de 2 millions de foyers en Espagne ont tous leurs membres actifs en recherche d'emploi, un chiffre en constante hausse.

Aucune des 17 régions d'Espagne n'affiche un taux de chômage inférieur à 17%, et parmi elles l'Andalousie, avec 34,94%, les îles Canaries, avec 32,55%, et l'Extrémadure, avec 32,14%, sont celles qui en souffrent le plus.

«Quand reviendrons-nous à des taux de chômage inférieurs à 12%, comme avait l'Espagne avant?», se demandait mardi Toni Ferrer, un des porte-parole du syndicat UGT, interrogé sur la radio nationale, notant que «cinq chômeurs sur dix ne touchent aucune prestation ou allocation», près de 3 millions d'entre eux étant sans emploi depuis plus d'un an.

Selon lui, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, «notre économie n'est pas sur cette voie de changement de cycle».