Les autorités des économies émergentes tentaient mardi d'enrayer la chute de leurs monnaies, à la veille d'une réunion cruciale de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui pourrait aggraver encore plus la situation.

«Les marchés émergents effacent une partie de leurs pertes mardi. Pourquoi? Eh bien parce que les banques centrales contre-attaquent», a résumé Alejandro Zambrano, analyste chez DailyFX.

La Banque centrale indienne a pris le marché de court en relevant mardi son taux directeur d'un quart de point, afin de contrer le regain de faiblesse de sa monnaie et de lutter contre l'inflation, ce malgré une économie atone.

En Argentine, où le peso a lourdement chuté ces dernières semaines, la présidente Cristina Kirchner a elle dénoncé lundi des attaques «spéculatives» contre les monnaies des émergents.

Et tous les yeux sont désormais rivés vers la Turquie où «l'annonce d'une réunion (mardi) en urgence du Comité de politique monétaire de la Banque centrale turque» alimente les spéculations sur une hausse de taux ou la mise en place de mesures de contrôle des capitaux afin de soutenir la livre turque, observait Lee Hardman, analyste chez Bank of Tokyo-Mitsubishi.

À quelques heures de cette réunion, le gouverneur de la banque centrale turque Erdem Basci a clairement ouvert la voie à un changement de stratégie, en déclarant que «la banque n'hésitera pas à prendre des mesures durables pour resserrer sa politique monétaire si nécessaire». La semaine dernière, la décision de la banque centrale turque d'intervenir directement sur le marché des changes en achetant de la livre turque n'avait pas permis d'enrayer sa chute «car les réserves monétaires de la Turquie ne sont pas assez larges pour qu'une telle action soit crédible», a expliqué M. Hardman.

Ces mesures peuvent-elles influencer la Fed ?

Mais pour Simon Smith, analyste chez FxPro, la grande question est désormais de savoir si ces actions des banques centrales des pays émergents «vont influer sur la réflexion de la Banque centrale américaine» qui se réunit mardi et mercredi et pourrait annoncer une nouvelle réduction de ses injections de liquidités.

Le lien entre la politique monétaire américaine et ces pays est «très fort, car une grande partie des excès de liquidités aux États-Unis l'année dernière ont été dirigés vers les marchés émergents, les laissant à la merci d'une réduction» des mesures de la Fed, a poursuivi M. Smith.

Les monnaies émergentes sont sous forte pression depuis l'été dernier, les investisseurs se désengageant en masse de ces devises pour revenir notamment vers le dollar mais aussi l'euro ou la livre britannique, sur fond d'amélioration de la reprise économique.

La Banque centrale américaine a commencé à réduire en janvier le montant de ses rachats d'actifs, de 85 à 75 milliards de dollars par mois, une diminution qui a accéléré la dégringolade des monnaies émergentes.

Toute diminution ou perspective de diminution de ces rachats revigore en revanche le dollar, considéré comme une des valeurs les plus sûres du marché, en le rendant plus rémunérateur et donc plus attrayant pour les investisseurs spéculatifs alors que les injections massives de liquidités de la Fed, destinées à stimuler la première économie mondiale, ont aussi eu pour effet collatéral de diluer la valeur du billet vert.

Mais les monnaies émergentes ne sont pas seulement plombées par la politique monétaire américaine. En effet, «les pays dont les comptes courants sont largement en déficit sont les plus vulnérables», comme la Turquie et l'Afrique du Sud, a souligné Jane Foley, économiste chez Rabobank.

De plus, ces deux pays, mais aussi l'Inde, la Thaïlande, ou encore l'Ukraine, doivent faire face à une certaine instabilité politique qui pèse sur des économies dont la croissance reste fragile.

Dans le cas de l'Ukraine et de la Russie, la faiblesse de la hryvnia et du rouble est également à mettre sur le compte d'un relâchement du contrôle qu'exercent les banques centrales sur leurs monnaies afin de les désarrimer progressivement du dollar, ont observé les économistes de Capital Economics. La dépréciation obtenue par ce biais pourrait même servir à ces économies, en les rendant plus compétitives.