Européens et Américains ont donné lundi à Washington le coup d'envoi du troisième round des négociations sur un accord de libre-échange dans un climat apaisé, malgré les craintes de la société civile.

À l'abri des caméras et des micros, les deux négociateurs en chef ont échangé une poignée de main dans la capitale américaine, lançant cinq jours de discussions dans une atmosphère moins électrique que par le passé.

Les deux précédents rounds, en juillet à Washington et à la mi-novembre à Bruxelles, avaient été parasités par les révélations sur l'espionnage américain en Europe, qui avaient déclenché une tempête diplomatique et menacé de faire dérailler le processus.

Malgré la mobilisation lundi matin à Washington d'une dizaine de militants dénonçant les pratiques de l'agence de surveillance américaine (NSA), ce nouveau cycle de discussions s'ouvre sous de meilleurs auspices.

Le flux des nouvelles révélations sur l'espionnage américain s'est tari et les promoteurs du libre-échange peuvent espérer profiter de l'élan insufflé par l'accord conclu à l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), le premier de son histoire, le 7 décembre à Bali.

Les discussions à Washington ne s'annoncent toutefois pas de tout repos après un deuxième round qui avait permis, selon les négociateurs, de «faire un pas en avant».

Sans surprise, les deux camps ont entretenu le plus grand flou sur les thèmes qui doivent être abordés au cours de ce troisième round qui s'achèvera par une conférence de presse commune vendredi.

Le mandat des négociations n'a jamais été rendu public de part et d'autre de l'Atlantique.

«Points épineux»

La réduction des barrières douanières sur «les services, l'énergie et les matières premières» devrait arriver sur la table, a simplement indiqué la fin de semaine dernière la Commission européenne, qui mène les discussions au nom des 28 États membres.

Contactée par l'AFP, la représentation américaine au Commerce extérieur (USTR), responsable des discussions pour les États-Unis, n'a pas souhaité donner davantage de détails.

Les barrières douanières étant actuellement très faibles de part et d'autre de l'Atlantique, l'essentiel des discussions devrait porter sur la suppression des obstacles «réglementaires», alimentant l'inquiétude des organisations non gouvernementales.

«Il y a des craintes que les négociateurs ne cherchent à imposer une réglementation commune (...) en se fondant sur le plus petit dénominateur commun», a estimé lundi devant la presse Robert Weissman, président de Public Citizen, une ONG américaine de défense des libertés civiles.

Cette préoccupation est particulièrement vivace pour l'agriculture, notamment sur la question des OGM, strictement encadrés en Europe et cultivés à grande échelle aux États-Unis.

Les Américains pourraient, eux, être tentés de demander un assouplissement de la directive européenne «Reach»restreignant l'utilisation de produits chimiques dans l'industrie, ce à quoi les 28 sont catégoriquement opposés.

Très critiques sur l'opacité des discussions, les ONG continuent également de s'inquiéter de la volonté affichée des États-Unis de permettre, en cas de litige, aux entreprises de contester les législations nationales devant une juridiction arbitrale privée.

Une telle disposition «accorde aux entreprises étrangères le droit de contester directement des mesures et actions prises par des gouvernements, évitant les tribunaux nationaux et créant un nouveau système légal exclusivement réservé aux multinationales», ont dénoncé près de 180 associations dans une lettre publique adressée lundi aux deux négociateurs en chef.

«C'est une atteinte au processus démocratique», ont-elles indiqué dans ce courrier signé par des syndicats américains et des ONG européennes comme Attac ou les Amis de la Terre.

Il est pour l'heure impossible de dire si une telle clause, qui existe dans d'autres traités de libre-échange, sera finalement intégrée à l'accord transatlantique.

Mais à la mi-novembre, le négociateur américain, Dan Mullaney, avait assuré rechercher «le plus haut niveau de protection» pour les investisseurs et ajouté qu'un mécanisme arbitral devait être envisagé.

Selon ses promoteurs, un accord de libre-échange américano-européen permettrait de doper l'économie de part et d'autre de l'Atlantique. Il pourrait rapporter quelque 119 milliards d'euros (173,2  milliards $CAN) par an à l'UE et doper ses exportations vers les États-Unis de quelque 28%, selon une étude britannique citée par la Commission.