Le FMI a tenté jeudi d'éteindre le début d'incendie qu'il a lui-même déclenché en envisageant début octobre l'instauration une taxe exceptionnelle sur la richesse privée pour combler les déficits publics.

«Nous ne recommandons pas l'instauration d'un impôt sur la richesse», a martelé un porte-parole du FMI, William Murray, lors de la conférence de presse bimensuelle de l'institution à Washington.

Le Fonds monétaire international semblait pourtant s'engager vers une autre voie. Dans son rapport semestriel sur la dette publique publié le 9 octobre, l'institution soupesait les mérites d'une taxe sur le patrimoine des ménages destinée à réduire les déficits publics.

Les experts du Fonds assuraient qu'un tel impôt aurait de «fortes» chances de succès s'il était exceptionnel et si les tentatives d'y échapper étaient réduites au minimum.

Plus précisément, ils estimaient qu'un prélèvement de 10% sur le patrimoine privé dans quinze pays de la zone euro permettrait à ces pays de ramener leurs déficits aux «niveaux d'avant la crise» alors que plusieurs d'entre eux sont soumis à des cures d'austérité drastiques.

Dévoilée dans le cadre solennel de l'assemblée générale du FMI, cette suggestion a surpris, venant d'une institution davantage portée sur les coupes des dépenses publiques que sur la hausse des impôts.

La gauche de l'échiquier politique a applaudi des deux mains. Le FMI «va même jusqu'à recommander un impôt sur les patrimoines privés pour réduire l'endettement public. En voilà une bonne idée!», notait l'économiste Thomas Piketty dans le journal Libération, tout en émettant des réserves sur la non-progressivité d'une telle taxe.

L'organisation non-gouvernementale Oxfam a, elle, fait part de son incrédulité, déclarant avoir dû «lire deux fois» le rapport pour s'assurer d'en avoir saisi la teneur.

Mais les réactions n'ont pas toutes été enthousiastes. Le magazine Forbes a vu rouge, dénonçant une prochaine «confiscation de la richesse mondiale» orchestrée par le FMI.

Le site financier Zero Hedge se montrait tout aussi acerbe. «Apparemment, il semble que le FMI juge que dérober d'un coup 10% de la richesse privée est tout à fait approprié», accusait un article paru vendredi.

Certaines voix critiques ont également rappelé que le FMI avait entériné en mars la première mouture du plan de sauvetage financier de Chypre qui proposait de taxer l'ensemble des déposants de l'île. Face au tollé, ce plan avait été remanié.

Embarras

Relayé par Twitter , l'incendie sur la «taxe de 10%» s'est propagé dans plusieurs pays, provoquant l'embarras au sein d'une institution soucieuse de ne froisser aucun de ses 188 États membres, particulièrement sur un sujet aussi sensible.

Fait inhabituel, le FMI a spontanément répliqué sur Twitter, notamment en italien, pour tenter de circonscrire les dommages et nier tout changement de doctrine.

Interrogé sur la question, le porte-parole du Fonds s'est efforcé jeudi de minimiser la portée du rapport publié par l'institution, assurant qu'il ne s'agissait que d'un simple «travail d'analyse».

«C'est juste un travail d'analyse (...) qui revient à dire "si vous faites ça, voilà ce que vous pouvez en retirer" mais ce n'est pas une mesure que le Fonds recommande formellement», a assuré M. Murray.

Ce fameux rapport sur la dette, sous-titré «le temps de l'impôt», marquait un autre infléchissement sur lequel l'institution n'est pas revenue.

Le Fonds relevait l'existence d'une «marge suffisante» dans beaucoup de pays développés pour taxer davantage les plus hauts revenus afin de «renforcer la légitimité» des plans d'économie budgétaire.

Ce diagnostic pourrait trouver un écho en France où l'Assemblée nationale a voté la semaine dernière une nouvelle mouture de «la taxe à 75%» sur les très hautes rémunérations.

Les discussions avec la Grèce n'ont pas «ralenti»

Le FMI a assuré par ailleurs que les discussions entre la Grèce et ses bailleurs de fonds internationaux de la troïka n'avaient «pas ralenti» alors que le nouvel audit des comptes du pays a été provisoirement suspendu.

«Suggérer qu'il y a une forme de ralentissement (...) ne correspond pas à l'état actuel des choses», a déclaré William Murray, porte-parole de l'institution lors d'une conférence de presse à Washington.

Fin septembre, la troïka des créanciers internationaux de la Grèce (FMI, Commission européenne, BCE) avait annoncé une «pause» technique dans les discussions avec Athènes sur l'audit des comptes grecs, condition au déblocage d'une nouvelle tranche d'aide au pays.

La mission d'experts retournera «début novembre» à Athènes, a affirmé M. Murray, concédant de fait un nouveau contretemps puisque le FMI tablait jusque-là sur un retour de la troïka «à la fin» octobre.

M. Murray a précisé que les discussions portaient principalement sur les besoins de financement du pays, qui doivent, aux termes des règles internes du Fonds, être garantis pour les douze prochains mois.

«Nous avons été clairs sur le fait que (la mission) va se pencher sur le trou de financement dans l'année qui vient», a-t-il ajouté.

Selon les estimations de la troïka, le trou financier concernant les besoins de remboursement d'emprunts d'Etat en Grèce devrait atteindre 10,9 milliards d'euros d'ici à 2015, dont 4,4 milliards sur la seule année 2014.

Le gouvernement grec a assuré la semaine dernière qu'il s'attendait à «vivre l'enfer» dans les négociations avec ses bailleurs internationaux sur cette question et sur le niveau de sa dette.

Face à cette impasse et sous la pression du FMI, les Européens se sont engagés à apporter un soutien fiancer additionnel à la Grèce si le pays parvenait à dégager un excédent primaire (hors intérêts de la dette), ce qu'il a prévu de faire dès cette année.

Au printemps 2012, le FMI et l'Europe ont accordé un plan d'aide de plus de 170 milliards d'euros au pays, assorti de mesures d'austérité et étalé sur des périodes de temps différentes.

Le Fonds s'est engagé avec la Grèce pour quatre années, jusqu'en 2016, alors que le soutien des Européens doit en théorie s'arrêter mi-2014.