La nouvelle chef de la diplomatie européenne au Canada a formulé une mise en garde, cette semaine, contre les spéculations qui pourraient nuire aux négociations d'un accord de libre-échange transatlantique.

L'ambassadrice de l'Union européenne, Marie-Anne Coninsx, a déclaré en entrevue à La Presse Canadienne que les pourparlers progressent bien entre représentants canadiens et européens, qui finalisent actuellement les derniers points d'un accord économique et commercial global (AECG).

Avant la cérémonie officialisant jeudi son accréditation au Canada, Mme Coninsx s'est abstenue de tout commentaire sur ces aspects litigieux, actuellement réglés au niveau politique à Ottawa et Bruxelles.

«Parfois ça aide les négociations quand on n'en parle pas trop, quand il n'y a pas trop de spéculation, a-t-elle dit. Parce que tout de suite, ça crée certaines réactions qui nuisent aux négociations. Je peux uniquement dire que les pourparlers avancent bien.»

En cours de négociation depuis quatre ans, l'AECG couvre des secteurs plus vastes que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), conclu il y a près de 20 ans par le Canada, les États-Unis et le Mexique. En plus des droits d'exportation, il inclurait aussi la coopération en matière de réglementation, l'investissement et les obstacles techniques au commerce.

Les discussions ont pris un nouvel élan après une rencontre, début septembre, entre le premier ministre Stephen Harper et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en marge de la réunion du G20 à Saint-Pétersbourg, en Russie.

Des différends demeurent concernant l'agriculture, alors qu'en échange d'une augmentation des exportations de boeuf du Canada, les Européens ont réclamé de pouvoir exporter davantage de fromage, ce qui a suscité des craintes au Québec relativement à la gestion de l'offre dans le secteur de la production laitière.

Les exceptions en matière de production culturelle sont aussi parmi les points qui demeurent sur la table, tout comme les règles encadrant le secteur des services financiers et celles qui régissent la propriété intellectuelle.

Dans sa première entrevue à l'occasion de son entrée en fonction officielle, Mme Coninsx a insisté sur la sincérité de sa mise en garde contre les risques suscités par les spéculations autour des pourparlers.

«Quand il y a certaines discussions qui se passent sur la place publique, avec des spéculations qui sont surtout parfois stimulées par certains secteurs d'intérêt, ça nuit, a-t-elle dit. Ça devrait se passer avec toute sérénité et je crois que ça aide au mieux les négociations.»

Mme Coninsx, qui dirigeait la délégation européenne à Mexico avant d'être désignée au Canada, a cependant utilisé un ton encourageant à propos des discussions, alors que son prédécesseur, Matthias Brinkmann, n'avait pas hésité à critiquer la lenteur du processus dans le passé.

«Je crois personnellement qu'on a un bon momentum pour avancer, que le momentum est maintenant», a-t-elle dit, mercredi, lors d'un entretien à la veille de son accréditation.

Le mois dernier, en Russie, M. Harper avait expliqué, après sa rencontre avec M. Barroso, que d'importants écarts persistaient dans les positions défendues par les deux parties, où les 10 provinces canadiennes et les 28 États membres de l'UE étaient représentés.

Mme Coninsx, qui a présenté ses lettres de créance au gouverneur général David Johnston lors d'une cérémonie à la Citadelle de Québec, jeudi, a répété l'intérêt des Européens à conclure l'accord, dont la demande est venue au départ du Canada.

«Les bénéfices sont clairs, ç'a déjà été démontré dès le début avec les études, mais ce n'est pas une négociation facile, a-t-elle dit. D'abord à l'intérieur de l'Union européenne, on a tout de même 28 États. Avant qu'ils se mettent d'accord pour donner un mandat, c'est complexe, mais ça veut aussi dire qu'une fois qu'on a cet accord parmi les 28, c'est une base solide très forte.»

L'ex-premier ministre du Québec Jean Charest a récemment déclaré que les négociations de libre-échange amorcées cet été entre les États-Unis et l'UE pourraient nuire à la progression des discussions avec le Canada, des craintes que Mme Coninsx a voulu dissiper.

«On a une petite équipe, à l'intérieur de la Commission européenne, mais c'est une équipe qui est extrêmement professionnelle», a-t-elle dit.

L'été dernier, M. Charest, un ardent promoteur de l'accord, avait pressé M. Harper de s'impliquer davantage dans le dossier, redoutant les risques posés par la concurrence de discussions avec les Américains.

Sur le continent américain, l'UE a déjà conclu des accords commerciaux avec le Mexique, le Chili, la Colombie, le Pérou et l'Amérique centrale.

Selon la section relative au commerce du site Internet de la Commission européenne, les discussions avec le Canada en sont à la phase finale et l'objectif demeure de parvenir à une entente d'ici la fin de l'année.

En 2012, le Canada était le 12e plus important partenaire commercial de l'UE, tandis que pour le Canada, l'Europe constitue son deuxième plus important marché extérieur.