Le bilan officiel semble encourageant: depuis environ un mois, la Chine affiche fièrement une embellie de son économie, enregistrant une hausse plus forte qu'attendu de sa production industrielle, de ses ventes de détail et de ses échanges commerciaux. De bonnes nouvelles qui ont stimulé les Bourses et apaisé la crise des devises des pays émergents.

Mais une enquête américaine publiée la semaine dernière maintient que la conjoncture chinoise, qui a montré des signes de faiblesse l'hiver et le printemps derniers, n'est pas aussi rose qu'elle y paraît.

La firme China Beige Book International (CBBI), de New York, soutient que la croissance a ralenti l'été dernier dans le manufacturier, les transports et la construction, sans oublier que l'investissement privé piétine.

Ce rapport trimestriel de CBBI, calqué sur les sondages que mène la Réserve fédérale américaine auprès des milieux d'affaires (le fameux «Beige Book»), est catégorique: l'impression générale d'un retour à une forte croissance en Chine «est sérieusement erronée», ce qui ne signifie pas pour autant que l'économie chinoise soit en crise. En gros, le dragon chinois est essoufflé.

L'enquête de la CBBI est jugée sérieuse par les économistes, étant réalisée auprès de 2000 cadres des milieux d'affaires en Chine. Dans le plus récent sondage, les répondants disent qu'il est plus difficile de trouver une main-d'oeuvre compétente en Chine et que leurs embauches ont ralenti au troisième trimestre.

En somme, ce coup de sonde vient jeter un autre caillou dans la mare chinoise. Même si les marchés financiers mondiaux sont suspendus à la publication des statistiques de la Chine, les experts s'interrogent de plus en plus sur la fiabilité des chiffres officiels, à teneur hautement politique, et soupçonnent des manipulations.

Des doutes entourent des indicateurs chinois aussi importants que le produit intérieur brut (PIB), alors que se multiplient les écarts entre mesures officielles (le commerce extérieur, notamment) et estimations des économistes. En juillet, l'indice PMI (activité manufacturière) publié par Pékin montrait même une évolution diamétralement opposée au même indicateur de la Banque HSBC.

Entre-temps, les investisseurs attendent avec impatience les résultats du PIB chinois pour le troisième trimestre, qui seront dévoilés à la mi-octobre. Les experts et certains responsables chinois s'entendent au moins sur une chose: embellie ou pas, la Chine est toujours aux prises avec des problèmes importants qui menacent son économie à plus ou moins long terme. En voici cinq importants.

Cinq périls de la Chine

1) L'essor du «shadow banking»

Le système bancaire "parallèle" en Chine, surnommé «shadow banking», continue de croître. Ce sont essentiellement des entreprises privées et des organismes obscurs qui font des prêts à haut risque dans divers secteurs. Leurs activités représentent 40-45% des financements aux PME, selon des études. Ces prêteurs de l'ombre se refinancent souvent auprès des banques d'État, ce qui constitue une menace pour tout le système bancaire advenant une vague de défauts de paiement. Pour un ex-cadre de la banque UBS, Joe Zhang, c'est «une bombe» aussi dangereuse que les "subprimes", ces prêts à gogo à l'origine la crise financière américaine de 2008.

2) Surcapacité de production

Pour se relever de la crise financière américaine qui a secoué son économie, Pékin a injecté il y a quatre ans plus de 500 milliards US dans la construction d'infrastructures, ce qui a permis à l'industrie de se développer à toute vitesse. Mais les effets de ce soutien exceptionnel se sont estompés, si bien que des milliers d'usines sont sous-utilisées aujourd'hui. Dans l'aluminium, par exemple, les carnets de commandes sont dégarnis, et la moitié des producteurs ont affiché une perte l'an passé.

3) La bulle immobilière

En août, le prix des maisons neuves en Chine a augmenté à son rythme le plus soutenu en deux ans et demi, évolution qui complique les efforts du gouvernement visant à dégonfler la bulle immobilière, grande source de tensions chez les démunis. En moyenne, dans les 70 villes chinoises les plus grandes, le prix des maisons neuves a augmenté de 8,3%, selon le Bureau national de statistiques. Les villes de Shanghai et Pékin ont vu le prix bondir de 15% le mois dernier, la hausse surpassant même 18% dans des villes du sud telles que Guangzhou et Shenzhen.

4) L'envolée du crédit

Officiellement, la dette publique chinoise ne représente que 17% de l'économie (PIB). Mais en tenant compte des prêts des administrations régionales auprès des banques d'État, on se rapproche des 40%, selon certaines sources. Et en rajoutant les prêts du secteur privé, le poids total du crédit par rapport au PIB est de 215%, affirme la firme Fitch dans un nouveau rapport. C'est la rapidité de sa progression qui inquiète l'agence de notation, car le crédit ne pesait que 130% du PIB en 2008.

5) La pollution

Pour certains, incluant des scientifiques chinois, c'est "LA" grande menace. «La Chine est confrontée à des conditions environnementales extrêmement sinistres sous l'impact continu du réchauffement climatique», écrivent des experts chinois dans un rapport de 710 pages rédigé l'an passé. Les températures pourraient grimper de 2,5 à 4,6 °C d'ici à la fin du siècle, et la production céréalière baisserait de 5 à 20%. Devant la grogne populaire, le gouvernement vient d'annoncer qu'il veut réduire de 25% la pollution de l'air à Pékin et dans les grandes villes d'ici à 2017.