Géant de l'industrie minière, l'Afrique du Sud a dit non aux nationalisations, mais l'ANC au pouvoir s'apprête à voter une loi accroissant l'intervention de l'État dans ce secteur, pour répondre aux attentes sociales, mais au risque de menacer l'attractivité de l'économie nationale.

Le nouveau texte en débat au parlement visera, selon le projet consulté par l'AFP, à «accroître substantiellement et significativement les opportunités pour les personnes historiquement désavantagées» (une paraphrase sud-africaine pour désigner les non blancs) et «à s'assurer que les détenteurs des droits de prospection et de production minière contribuent au développement économique des zones où ils sont implantés».

Le président Jacob Zuma avait annoncé la donne en 2012 en décrétant que le statu quo n'était plus tenable. «Nous devons revenir aux fondamentaux et prendre des décisions que nous n'avons pas pu prendre en 1994», avait-il annoncé devant quelque 3500 délégués de l'ANC en juin.

D'inspiration marxiste, l'ANC a, depuis son arrivée au pouvoir en 1994 et le gouvernement de Nelson Mandela, mené une politique plutôt libérale.

Dans le domaine minier, une réforme est certes entrée en vigueur en 2004, favorisant l'ascension de capitalistes noirs. Reste que les fabuleuses ressources du sous-sol sud-africain continuent à ne pas profiter à tout le monde, et M. Zuma a promis du changement.

Un temps agité par l'aile jeunesse du parti, l'option d'une nationalisation a été écartée et le débat définitivement clos avec le congrès de l'ANC de décembre 2012.

Le projet de loi, que l'ANC veut adopter avant Noël, va cependant imposer aux compagnies minières de nouvelles contraintes, notamment pour les obliger à transformer localement le minerai arraché au sous-sol national, ou à payer des pénalités.

Premier producteur mondial de platine, 7e producteur d'or, l'Afrique du Sud exporte actuellement une grande part de son minerai à l'état brut, comme le fer ou le chrome expédié en Chine.

«On peut comprendre que le gouvernement veuille que l'Afrique du Sud traite les minerais pour les valoriser, car cela créerait des emplois et permettrait de vendre plus cher. C'est très judicieux... sauf qu'il y a des contraintes pratiques», expliquait cette semaine Mme Anthea Jeffrey, chercheuse à l'Institut sud-africain sur les relations raciales (SAIRR).

D'abord, l'Afrique du Sud n'a pas assez d'électricité pour ça. Ensuite, c'est une étape qui demande beaucoup de personnel et il manque les qualifications et un avantage compétitif par rapport à des pays à bas coût de main-d'oeuvre, comme l'Inde ou la Chine, a-t-elle exposé sur Classic FM.

Le ministre des Mines aurait notamment «le pouvoir de spécifier le quota de chaque minerai devant être dédié à la valorisation et quels prix appliquer à ce pourcentage», constate-t-elle.

Ces exigences, et les amendes prévues, sont «simplement irréalistes si on regarde les contraintes pratiques pour effectuer une mise en valeur rentable», dit-elle.

«La loi contient un certain nombre de mesures clés. Presque toutes sont mauvaises», résume de son côté Alliance Démocratique (DA), principal parti d'opposition, dénonçant «une nationalisation masquée».

«La nouvelle loi contient au moins 34 points laissés à la discrétion du ministre ou de ses fonctionnaires, 30% de plus que la loi actuelle» et sous couvert de «réactivité et souplesse», le message que les investisseurs vont recevoir c'est +caprice et corruption+», assène la DA.

Premier péché du texte, dont il a été décidé qu'il engloberait aussi l'industrie du pétrole et du gaz, le gouvernement a ignoré l'avis des industriels.

Ensuite, dénonce la DA, les concessions minières seront accordées non plus sur le principe «premier arrivé-premier servi», mais après mise en concurrence. Un système peu fiable, selon l'opposition, décourageant la prospection et occasion tentante pour le gouvernement de dispenser ses faveurs.

Le gouvernement pourra interdire l'exportation d'un minerai déclaré «stratégique» et en fixer le prix de vente national, et ce notamment pour garder le charbon pour les centrales électriques locales. Mais selon la DA, cela va au contraire inciter les majors à délaisser les charbonnages.

La presse sud-africaine pointe d'autres nouveautés du texte: un taux de discrimination positive en faveur des Sud-Africains noirs passant de 10% de 26%, ou encore, la possibilité pour l'État de s'imposer au conseil d'administration d'une entreprise de pétrole ou de gaz, ou de s'inviter dans son capital.

L'Afrique du Sud a dégringolé ces dernières années sur l'échelle de l'institut canadien Fraser qui classe les régions minières selon l'attractivité de leur politique minière. Elle était 64e sur 96 en 2012-13.