La Banque centrale européenne (BCE) a promis jeudi de maintenir une politique monétaire accommodante aussi longtemps que nécessaire, affirmant qu'elle garderait ses taux à leur niveau actuel, le plus bas de son histoire, pour une période prolongée, voire les baisserait encore.

C'est la première fois que la BCE s'engage ainsi sur la durée, un geste qui a été qualifié de «mini-révolution» par Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg.

Certes, Mario Draghi, son président, n'a pas voulu préciser ce que «durée prolongée» signifiait aux yeux du conseil des gouverneurs de l'institution monétaire de Francfort, souligne l'économiste. Mais lors de sa conférence de presse mensuelle de politique monétaire, il a pris soin d'ajouter que «la sortie (de la période actuelle de taux bas) est très loin».

Il a aussi précisé que la décision d'une telle orientation de la politique monétaire (forward guidance) avait été prise à l'unanimité du conseil des gouverneurs, laissant entendre que même les plus ardents défenseurs de l'orthodoxie monétaire, dont la banque centrale allemande, s'y étaient rangés.

Les analystes s'attendaient à des paroles rassurantes de la part de M. Draghi, face à un regain de tension ces derniers jours sur les marchés financiers et notamment obligataires en zone euro, lié à la crise politique portugaise.

Déjà, l'annonce par la Réserve fédérale américaine (Fed) d'une réflexion engagée sur un retrait de ses propres mesures de soutien à son économie nationale il y a deux semaines avait poussé à la hausse les taux d'emprunt des pays les plus fragiles de la région et enclenché une opération de communication des responsables de la BCE pour signifier qu'elle n'avait pas l'intention d'opérer de même.

Si M. Draghi a souligné jeudi que son institution n'agissait pas en fonction des actions d'autres banques centrales, ses propos du jour étaient clairement destinés à tenter de contenir la hausse des taux d'emprunt des États de la région qui constitue une menace pour la reprise économique en zone euro.

Pour Carsten Brzeski, d'ING, la présentation d'une orientation de politique monétaire signe une mue de la BCE, qui passe ainsi «d'une banque centrale hésitante et réticente à audacieuse». «Au cours des derniers mois, elle a suivi les pas de la Fed: davantage d'attention portée à la croissance avec une mention explicite du chômage élevé et maintenant une +forward guidance+», ajoute-t-il.

Cela montre qu'elle «tente effectivement +le tout pour le tout+ pour sauvegarder la fragile reprise en zone euro», poursuit l'économiste, reprenant ainsi l'expression employée il y a un peu moins d'un an par M. Draghi au summum d'une crise de la dette qui menaçait les contours mêmes de l'Union monétaire.

Pour justifier cette décision, Mario Draghi a en effet souligné que malgré de récents indicateurs de confiance en amélioration, l'économie réelle reste «faible» et la dynamique monétaire «modeste».

L'orientation sera soumise à trois critères: les perspectives d'inflation à moyen terme (qui pour l'instant restent contenues), la croissance économique, et celle de la masse monétaire et des crédits au secteur privé.

Jeudi, l'institution monétaire a choisi de laisser son principal taux directeur inchangé à 0,50%, le plus bas niveau de son histoire auquel il a été porté en mai. Mais une baisse de taux a été évoquée par certains gouverneurs, a précisé M. Draghi.

Les propos du président de la BCE faisant écho à ceux du nouveau gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, qui a lui aussi confirmé la poursuite d'une politique monétaire accommodante, ont propulsé les Bourses européennes à la hausse et contribué à une nette détente sur le marché de la dette européenne.