Il leur faut 50 kilos de cannettes d'aluminium pour gagner le salaire mensuel moyen d'un Cubain, mais Juana et José, nouvelles fourmis du recyclage, ont le moral grâce à la nouvelle politique de privatisation de la récupération des matières premières mise en place à Cuba.

«Il faut se battre, il faut récupérer beaucoup de cannettes, les écraser et les porter à la boutique pour gagner quelques pesos, mais au moins je sais que plus je travaille, plus je gagne», explique Juana, une quinquagénaire qui «contrôle» les déchets de trois cafétérias de Luyano, un quartier du sud de La Havane.

À huit pesos (0,35 cent) le kilo, il faut à Juana plusieurs milliers de cannettes de bière ou de soda pour gagner l'équivalent d'un fonctionnaire moyen, 20 dollars par mois.

José récupère les cannettes, mais aussi le papier (1,5 peso le kilo), le carton (un peso/kilo), les bouteilles de verre (2,5 pesos l'unité) et toute la ferraille possible, notamment le bronze (10 pesos le kilo).

«Si on me laisse faire, je serai le roi de la poubelle!», s'enflamme José qui s'est découvert une vocation dans le recyclage.

Selon les autorités, 85% à 90% des cannettes d'aluminium sont ainsi récupérées, depuis que quelque 5700 Cubains se sont officiellement inscrits comme travailleurs indépendants, collecteurs de matières premières recyclables.

Aujourd'hui, Cuba parvient à recycler quelque 300 tonnes de ferraille (75% du total du recyclage), pour une valeur estimée à 120 millions de dollars, essentiellement destinée à l'industrie locale.

«L'impact des indépendants a été déterminant» dans le processus de recyclage, a reconnu récemment à la télévision Jorge Tamayo, le directeur de l'entreprise d'État de récupération de matières premières (ERMP), qui continue de chapeauter l'ensemble du processus.

Selon Marilyn Ramos, la vice-directrice de la ERMP, «seuls sont recyclés 35% des déchets du pays, les réserves sont très grandes».

Depuis décembre, le régime communiste cubain a mis en place une nouvelle filière, qui prévoit d'importants investissements et surtout le transfert au secteur privé, indépendants et coopératives, des activités de base de récupération.

Deux coopératives de recyclage ont commencé à fonctionner lundi près de La Havane, parmi les 124 premières coopératives non-agricoles entrées en service cette semaine.

Jusqu'à présent, le secteur était exclusivement aux mains de l'État, mais sans la motivation de gagner plus, les collecteurs de déchets n'étaient pas des modèles de productivité. Aujourd'hui, les deux tiers de la récupération sont réalisés par des travailleurs indépendants.

Le gouvernement a prévu de louer des triporteurs à moteur aux récupérateurs et de «privatiser» également de plus en plus de boutiques de récupération. Le gros-oeuvre du recyclage restant aux mains de l'État.

Cette nouvelle filière devrait tourner à plein en 2016, estiment ses promoteurs.