La Croatie rejoint le 1er juillet l'Union européenne après dix ans de laborieuses négociations, mais leur couronnement est assombri par les difficultés économiques auxquelles est confrontée cette ex-république yougoslave, indépendante depuis 1991.

Plus de 100 responsables européens, dont la chancelière allemande Angela Merkel et le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, rejoindront à Zagreb les dirigeants croates et des milliers de citoyens qui sont attendus sur la place centrale pour fêter l'entrée de la Croatie dans le bloc des 27.

Symboliquement, dimanche à minuit, les inscriptions «douanes» seront enlevées d'un poste-frontière avec la Slovénie, la seule autre ex-république yougoslave à avoir rejoint l'UE (2004) depuis la disparition de l'ancienne fédération après une série de guerres dans les années 1990.

Dans un même temps, l'enseigne «UE» sera installée à la frontière avec la Serbie, une autre ex-république yougoslave qui espère prochainement ouvrir ses négociations d'adhésion à l'UE.

Des feux d'artifice vont éclairer le ciel de Zagreb et d'autres villes croates, mais l'adhésion à l'UE a perdu de son charme pour la plupart des 4,2 millions d'habitants du pays.

Le président Ivo Josipovic, un pro-européen fervent, a reconnu que la crise économique a influencé l'humeur de la population quant à cet événement historique.

«Oui, la crise (économique) est là, mais je crois que nous sommes plus forts unis (...) et, en fin de compte, l'Europe sortira de la crise ensemble», a déclaré dans une interview à l'AFP cet homme politique de gauche.

Selon un récent sondage, un Croate sur sept seulement, souhaite des concerts et des feux d'artifices pour célébrer l'adhésion à l'UE.

«Qu'avons-nous à célébrer? Le fait que nous serons des esclaves, car nous sommes trop petits pour avoir une influence quelconque parmi les grands « de l'UE, s'interroge Zorak Horvat, la cinquantaine, employé dans l'administration.

Il y a une dizaine d'année, la majorité des Croates voyait dans l'adhésion à l'UE un moyen de se débarrasser de l'héritage des guerres des années 1990, mais les longues négociations et les conditions difficiles imposées par Bruxelles ont transformé nombre d'entre-eux en eurosceptiques.

Les indices macroéconomiques de la Croatie sont inquiétants et le pays sera parmi les plus pauvres de l'UE qui est elle-même confrontée à une récession dans neuf de ses pays membres ainsi qu'à une crise de la dette dans la zone euro.

Le PIB est de 39 % au-dessous de la moyenne européenne et seule la Roumanie et la Bulgarie sont derrière la Croatie, selon l'office des statistiques de l'UE.

L'économie est en récession depuis 2009 dans ce pays où le taux de chômage est de 21 %.

Durant les négociations d'adhésion, la Croatie a également été obligée de présenter à Bruxelles un plan de restructuration de ses chantiers navals, ce qui aura également pour conséquence le licenciement de nombreux salariés dans ce secteur qui emploie environ 10.000 personnes et qui subsistait également grâce aux aides du gouvernement.

«Nous sommes gravement malades et nous rejoignons l'UE qui elle-même est mal en point», a averti l'analyste Zarko Puhovski.

Zagreb a commencé une lutte contre la corruption et a condamné l'ex-premier ministre, Ivo Sanader (2003-2009), en novembre 2012 à dix ans de prison pour corruption, mais nombre de Croates estiment que le fléau est loin d'être éradiqué.

Zagreb espère que l'adhésion va attirer des investisseurs et compte sur une aide européenne estimée à 11,7 milliards d'euros d'ici à 2020 pour redresser l'économie.

«Le 1er juillet marque la fin d'un long voyage», a dit à l'AFP l'ancien président croate, Stipe Mesic (2000-2010), qui a joué un rôle crucial dans le rapprochement de son pays avec l'UE.

«Nous nous sommes définitivement éloignés du nationaliste borné qui avait marqué les premières années de notre indépendance et avons adopté les normes européennes», s'est-il félicité.