De plus en plus d'expatriés et une possibilité exponentielle de risques à travers le monde ont amené de nombreux États à codifier un «Devoir de protection» que respectent la plupart des entreprises envers leurs salariés en mission à l'étranger.

Des techniciens bloqués dans des émeutes en Afrique du Nord, un ingénieur introuvable à la suite d'attaques terroristes à Bombay, un grave accident de voiture en Amérique du Sud, ou l'épouse d'un expatrié faussement accusée de vol dans un pays du Golfe: le monde est vaste et la possibilité d'ennuis infinie.

En témoigne la plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui notamment déposée vendredi par la famille d'un otage français capturé au Niger, mais qui vise aussi de possibles manquements à la sécurité de la part d'Areva et d'une filiale de Vinci, son employeur.

«Il n'y a plus de sanctuaire aujourd'hui», constate Laurent Fourier, directeur Europe et Afrique du Nord d'«International SOS», entreprise spécialisée dans la sécurité des personnels, qui intervient dans 70 pays.

«On craint davantage la crise sécuritaire dans certaines zones, mais entre le Japon et Fukushima, le volcan islandais ou les attentats à Londres, il n'y a plus d'endroit d'une tranquillité assurée», remarque cet expert.

La plupart des entreprises du CAC 40 font appel à sa société: avant le départ pour sensibiliser et préparer les futurs expatriés, pendant quand il s'agit de «tracer» leurs déplacements, et enfin quand l'évacuation est nécessaire pour raisons sécuritaires ou sanitaires.

«Les entreprises sont toujours plus réactives que les États» dans ces cas-là, relève-t-il.

Au 31 décembre 2012, le ministère français des Affaires étrangères dénombrait plus de 1,6 million de Français installés (et enregistrés) à l'étranger, en croissance constante et régulière notamment vers l'Asie et l'Afrique du Nord.

Autrefois, des secteurs techniques comme l'extraction minière ou le pétrole étaient les plus concernés, et l'on parlait surtout de cadres: le col blanc qui voyageait des États-Unis ou d'Europe en Afrique ou en Chine était l'expatrié type dans le monde des affaires, note Laurent Fourier.

«Plus personne ne fait l'autruche»

«Mais aujourd'hui tous les secteurs sont concernés, le luxe, la finance: quand on est en Europe, on va chercher la croissance dans des pays compliqués, le Nigeria, la Mauritanie».

Surtout, tout le monde bouge et de plus en plus d'un pays émergent vers un autre pays émergent - comme les travailleurs chinois en Afrique.

Selon une étude du cabinet d'expertise PricewaterhouseCoopers, en dix ans, la plupart des grandes entreprises ont doublé le nombre de leurs implantations dans le monde: de 13 pays en 1998, elles étaient présentes dans 22 pays en 2009 et le seront dans 33 pays en moyenne d'ici 2020.

À cette date, prévoit-il, le nombre d'expatriés aura encore gonflé de 50 % dans le monde.

Hormis les dispositions spéciales du Bureau international du Travail couvrant les marins et les aviateurs, la loi est longtemps restée dans le flou pour les expatriés.

«Mais depuis une dizaine années, indique M. Fourier, la plupart des pays occidentaux imposent un ''duty of care'', un devoir de protection aux entreprises». Selon lui, le Canada et l'Australie sont les plus en pointe sur le sujet.

Au sein de l'Union européenne, c'est une directive de 1989 qui fixe celui des employeurs. Le droit français rend, lui, l'employeur «débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés», souligne le cabinet d'avocats Gide Loyrette Nouel.

Une autre étude de l'Atkinson Graduate School of Management, de l'Université de Salem dans l'Oregon, fait également valoir que «de plus en plus, les tribunaux statuent en faveur des employés et au détriment de l'entreprise», invitant ces dernières à prendre au sérieux leur devoir de protection «dans le cadre de la responsabilité sociale d'entreprise».

«La plupart le font d'ailleurs pour des questions de réputation», estime le directeur d'International SOS. «Ce n'était pas forcément le cas il y a dix ans. Mais aujourd'hui, plus personne ne fait l'autruche».