Les États-Unis et l'Union européenne (UE) viennent tout juste de lancer une négociation historique en vue de signer un accord de libre-échange, qui pourrait aider selon eux à relancer la croissance mondiale.

Il s'agira de la plus vaste zone de libre-échange au monde, et de loin. Les dirigeants des États-Unis et de l'Union européenne (UE) ont annoncé hier le lancement officiel de négociations en vue de créer un gigantesque marché commun d'ici les 18 prochains mois.

«On parle de ce qui pourrait devenir le plus grand accord bilatéral de l'histoire, qui aura plus d'impact que tous les traités sur la table combinés», a lancé avec enthousiasme le premier ministre britannique, David Cameron, pendant le Sommet du G8 en Irlande du Nord.

Dans une conférence de presse où les cravates avaient été laissées de côté, les dirigeants des États-Unis et de l'UE ont lancé une série de chiffres qui donne le tournis. Selon leurs estimations, cet accord permettrait d'ajouter 160 milliards de dollars canadiens à l'économie européenne, 128 milliards à celle des États-Unis et encore 136 milliards dans le reste du monde.

Plus de 2 millions de nouveaux emplois seraient aussi créés grâce à ce traité. Une manne non négligeable pour les États-Unis et surtout pour les 27 pays de l'UE, dont plusieurs sont toujours embourbés dans une longue récession.

«Notre partenariat viendra vraiment changer la donne de l'économie mondiale», s'est réjoui José Manuel Barroso, le président de l'UE.

La première rencontre officielle se tiendra le 8 juillet prochain à Washington. Selon les bases de la négociation, l'entente éliminera les barrières tarifaires et non tarifaires sur tous les biens, incluant les produits agricoles. Elle vise aussi à réduire les nombreuses tracasseries bureaucratiques qui entravent le commerce bilatéral.

Le potentiel de l'accord est immense, mais les obstacles risquent aussi d'être nombreux, a averti hier Barack Obama. «On va donner un mandat fort à nos négociateurs, mais c'est clair que nous (les chefs d'État) devrons parfois intervenir pour dénouer les impasses.»

Un frein pour le Canada?

En parallèle, le Canada mène lui aussi des pourparlers en vue de signer un traité de libre-échange dans les meilleurs délais avec l'UE. Le premier ministre Stephen Harper a rencontré plusieurs dirigeants européens la semaine dernière pour faire la promotion de ce dossier, et il entend profiter du Sommet du G8 pour promouvoir encore davantage sa cause.

Harper refuse de fixer un échéancier précis pour la conclusion de cette négociation, qui achoppe encore sur plusieurs points comme les quotas bovins. Et même si la priorité de l'UE risque clairement de basculer en faveur des États-Unis, le bureau du premier ministre ne croit pas que la démarche canadienne sera entravée.

«Il s'agit de deux dossiers complètement distincts, a fait valoir à La Presse Andrew MacDougall, porte-parole du premier ministre. Nos négociations sont bien établies et bien entamées, et nous les poursuivrons jusqu'à l'obtention d'un accord satisfaisant pour tous les Canadiens.»

Sommet sous haute surveillance

Le Sommet du G8 s'est ouvert hier sous haute surveillance à Lough Erne, dans la campagne verdoyante de l'Irlande du Nord. Le conflit syrien, qui a fait plus de 93 000 morts jusqu'à maintenant, a occupé plusieurs discussions tenues derrière des portes closes. La lutte contre l'évasion fiscale figure aussi au sommet des priorités.

La région de Lough Erne, à environ deux heures de route de Belfast, a été transformée en véritable forteresse pour l'occasion. La présence policière est omniprésente, a constaté La Presse en se rendant à l'événement.

Plus de 7000 policiers patrouillent les envions, et une zone d'exclusion aérienne et maritime d'environ de près de 10 km a été décrétée autour du site. Des fils barbelés ont aussi été déroulés sur environ 6 km pour sécuriser les lieux.

Le centre des médias est situé à Enniskillen, à quelques kilomètres de l'endroit où les dirigeants du G8 - constitué des États-Unis, du Japon, de la Russie, du Canada, de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne et de l'Italie - tiennent leurs rencontres.

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Des avantages tangibles

Qui bénéficiera le plus de l'accord de libre-échange que souhaitent conclure les États-Unis et l'Union européenne (UE)? La question laisse place à plusieurs interprétations, mais une étude récente mandatée par la Commission européenne laisse entrevoir des bénéfices substantiels des deux côtés de l'Atlantique.

Selon le document, un tel traité ferait grimper le PIB de 545 euros (741$) en moyenne pour une famille de quatre du côté européen. Aux États-Unis, l'augmentation se chiffrerait à 655 euros (891$) par famille.

«Stimuler le commerce est un bon moyen de stimuler nos économies en créant davantage d'offre et de demande, sans avoir à augmenter les dépenses publiques ou recourir aux emprunts», avance l'étude de la Commission européenne.

Et qu'en est-il des tarifs douaniers? Ils sont assez bas à l'heure actuelle entre les États-Unis et l'UE - 4% en moyenne -, mais ce sont surtout les barrières non tarifaires que le nouveau traité transatlantique souhaite éliminer.

La réglementation discordante et la lourde bureaucratie ajoutent entre 10% et 20% au coût des biens qui transitent entre les deux continents, fait valoir la Commission européenne. Un accord de libre-échange permettrait d'abattre une bonne partie de ces obstacles, fait-on valoir.

Les négociations en vue du futur traité commenceront officiellement le mois prochain à Washington, et elles devraient s'étaler sur au moins 18 mois.

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DES GAINS ÉCONOMIQUES MAJEURS

160 MILLIARDS

Augmentation du PIB dans l'Union européenne

128 MILLIARDS

Augmentation du PIB aux États-Unis

136 MILLIARDS

Augmentation du PIB dans le reste du monde

2 MILLIONS

Nouveaux emplois créés grâce au traité en 18 mois

600 MILLIARDS US

Montant des échanges commerciaux annuels entre l'Europe et les États-Unis

- Estimations formulées hier par le premier ministre David Cameron, converties en dollars canadiens.