Un an après un traité de libre-échange avec les États-Unis, la Colombie récidive avec un autre géant, l'Union européenne (UE), dans l'espoir de faire entrer dans la cour des grands une économie encore dépendante des matières premières et pas assez nourrie par les investissements étrangers.

Les négociations, qui ont duré durant près de sept années butant notamment sur la question laitière, sont sur le point d'aboutir entre, d'un côté, la quatrième économie et troisième population (47 millions d'habitants) d'Amérique latine et de l'autre, l'UE, un marché de 500 millions de consommateurs détenant un quart de la richesse mondiale.

Le ministre colombien du Commerce a assuré vendredi lors d'une conférence de presse que le traité prévoyait une protection du secteur laitier colombien pour une période «d'environ 18 ans». Au début de cette période, la protection sera assurée par un tarif douanier élevé de 98%, a déclaré le ministre, Sergio Diaz-Granados. La Colombie est le 4e producteur laitier d'Amérique latine et le 10 au niveau mondial, mais sa productivité le fait descendre au 93e rang, selon le ministre.

Ratifié il y a un an par le Parlement européen, l'accord de libre-échange, qui vise à supprimer les barrières tarifaires et techniques aux échanges, a été adopté le 4 juin par le Congrès colombien et devrait être appliqué avant fin 2013 de manière provisoire, comme c'est le cas depuis mars pour le Pérou, autre signataire, en attendant d'être approuvé par chacun des pays membres de l'UE.

«Comme dans tout traité commercial, il y a des opportunités et des risques. Le facteur le plus important demeure la taille et le pouvoir d'achat» de l'Europe, a expliqué Gonzalo Palau, professeur d'économie à l'université Rosario de Bogota, dans un entretien à l'AFP.

Toutefois, il ne faut pas attendre de «bénéfices à court terme» en raison de la crise économique européenne, précise M. Palau, même si l'UE prévoit que l'accord débouchera pour la Colombie sur un point supplémentaire de PIB et des économies mutuelles de 500 millions d'euros sur les droits de douanes.

Le principal défi pour le pays latino-américain, qui a déjà signé de nombreux traités commerciaux bilatéraux, de l'Asie au Moyen Orient, est de parvenir à sortir de sa dépendance aux matières premières qui constituent plus de 70% de ses exportations vers l'UE.

Second partenaire commercial, après les États-Unis, de la Colombie, l'UE absorbe 15% de ses exportations. En 2012, les échanges commerciaux bilatéraux ont atteint 14,1 milliards d'euros.

«Notre but est d'améliorer notre insertion internationale avec des règles stables et claires, afin de permettre la diversification de notre économie», a souligné le ministre colombien du Commerce Sergio Diaz-Granados.

L'autre grand enjeu, a insisté le ministre, est d'«obtenir davantage de flux d'investissement vers la Colombie», son autre talon d'Achille.

En proie à un conflit armé avec des guérillas depuis un demi-siècle, la Colombie n'est que le cinquième pays de la région pour l'accueil d'investissements étrangers. Les investissements cumulés en provenance de l'UE ne s'élèvent qu'à 9 milliards de dollars pour l'ensemble de la décennie.

«Les investissements étrangers, c'est peut-être là le principal bénéfice qu'on peut attendre de cet accord» qui ne se limite pas à «des flux commerciaux», renchérit M. Palau.

La conquête de l'ancien continent s'annonce longue pour la Colombie dont les exportations vers l'UE sont concentrées à 70% sur trois pays (Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni) et 98% sur 10 pays, dont la France et l'Allemagne.

«Nous n'exportons actuellement que dans 10 pays européens et il y a une possibilité d'amplifier nos marchés», a indiqué à l'AFP Ricardo Vallejo, vice-président de Proexport, l'organisme public chargé des exportations.

Ce dernier assure avoir détecté «au moins 800 produits» qui pourraient intéresser le marché européen, notamment dans «le secteur agro-industriel, des cosmétiques, des vêtements ou encore du plastique».

«Une fois l'accord en vigueur, ce sont aux entreprises de mettre l'essence, d'identifier les opportunités», a lancé Joao Aguiar Machado, directeur général adjoint pour le commerce à la Commission européenne, lors d'une visite jeudi à Bogota pour un séminaire professionnel.

Même si l'UE lorgne sur le taux de croissance de la Colombie (4% en 2012), M. Machado, qui fut son négociateur en chef pour les discussions, assure que le processus a commencé avant la plongée des économies européennes et que l'accord commercial n'a pas été conçu seulement comme «une sortie de crise».

Selon lui, la Colombie ouvre à terme à l'Europe de grands marchés notamment dans le secteur de la distribution, du tourisme, de la construction mais aussi des transports dans un pays où l'acheminement d'une marchandise à travers son territoire est plus cher que l'expédition vers un port français ou britannique.