Les multinationales qui font fondre leur taux d'imposition comme peau de chagrin grâce à des pratiques fiscales «agressives» pourraient bientôt être rappelées à l'ordre.

Les dirigeants de plusieurs pays occidentaux en mal d'argent songent en effet à resserrer les normes et les contrôles en vigueur pour garantir que ces entreprises assument un fardeau conséquent.

Des décisions en ce sens pourraient être prises dès le mois de juin, lors d'une rencontre du G8 en Irlande, pense Denis Howlett, qui préside l'organisation Canadiens pour une fiscalité équitable.

«Il existe encore de l'opposition, mais le contexte est propice aux avancées. La situation est devenue si outrancière sur le plan fiscal qu'il n'est plus possible pour les États de défendre le statu quo», souligne-t-il.

M. Howlett avance que les multinationales pourraient notamment être appelées à donner à l'avenir une description détaillée de leurs revenus et de leurs ressources pays par pays de manière à éviter les abus.

Des taux d'imposition favorables

Nombre d'entreprises disposant de filiales à l'étranger, incluant dans des paradis fiscaux, transfèrent actuellement actifs et dépenses entre États par divers stratagèmes. Elles cherchent à concentrer leurs profits là où les taux d'imposition leur sont favorables sans refléter l'endroit où l'activité économique est réellement survenue.

Dans certains cas, le niveau d'imposition résultant apparaît dérisoire en comparaison des taux officiellement en vigueur.

Selon le New York Times, Google a notamment réussi au cours des dernières années à réduire son taux d'imposition effectif à l'étranger à 2,4% et son taux global à 20%, alors que le taux d'imposition des bénéfices des entreprises aux États-Unis est de 35%.

Le PDG de Google, Éric Schmidt, a déclaré avec superbe il y a quelques jours qu'il était «perplexe» face à la polémique soulevée par les pratiques fiscales de son entreprise, aux États-Unis et ailleurs.

Il affirme qu'elle respecte scrupuleusement ses obligations et paie les sommes prévues par la loi. Et que c'est aux gouvernements de changer la loi s'ils souhaitent accroître les impôts.

L'entreprise Starbucks, aussi montrée du doigt récemment en raison du faible taux d'imposition payé dans plusieurs pays européens, a esquissé pour sa part un mea culpa, allant jusqu'à offrir de payer volontairement une somme additionnelle au fisc anglais pour contenir l'indignation populaire.

Plusieurs élus européens se montrent impatients de voir évoluer les choses. «On ne peut pas accepter qu'un certain nombre de compagnies se retrouvent dans des situations où elles évitent de payer des impôts grâce à des procédés légaux. Nous devons nous coordonner au niveau européen, harmoniser nos règles et développer des stratégies pour que tout ça cesse», a plaidé la semaine dernière le président français, François Hollande.

Le dirigeant conservateur anglais David Cameron appelle aussi de ses voeux une «action internationale concertée» en vue de résoudre le problème. «Je ne suis pas un conservateur qui pense que les sociétés ne doivent pas payer d'impôts», a-t-il prévenu récemment.

«Graves problèmes de discipline»

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait déjà sonné l'alarme au sujet de la question du transfert des bénéfices dans un rapport paru il y a quelques mois.

Le document relevait que les multinationales utilisent des techniques de plus en plus poussées pour réduire leurs impôts, «soulevant de graves problèmes de discipline fiscale et d'équité».

«Les citoyens ont déjà perdu foi dans les banques et le système financier. Si les grandes compagnies ne paient pas leurs impôts et laissent les petites et moyennes entreprises et la classe moyenne le faire à leur place, la démocratie sera minée», a prévenu le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria.

L'organisation, qui s'est vu confier le mandat de travailler sur des solutions, évoque la possibilité d'une convention multilatérale qui pourrait être présentée lors du G20 en juillet, à Moscou.

«Ce sera important de maintenir la pression sur nos dirigeants politiques pour être certains que les mesures prometteuses actuellement sur la table ne soient pas diluées», souligne M. Howlett.

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Quelques multinationales américaines et leur taux d'imposition

Google: 18%

L'exploitant du célèbre moteur de recherche a réussi à réduire, par de complexes montages financiers, son taux d'imposition moyen à l'étranger à un niveau encore plus faible, soit 2,4%.

Apple: 14%

Le géant informatique a été montré du doigt la semaine dernière par un comité sénatorial américain, qui lui reproche notamment d'avoir soustrait 44 milliards de dollars de revenus imposables au fisc de 2009 à 2012.

Amazon: 6%

L'entreprise de commerce électronique est montrée du doigt par plusieurs pays européens. La Grande-Bretagne s'indigne notamment de n'avoir encaissé que 2,4 millions de livres d'impôts l'année dernière sur des revenus de 4,3 milliards.

- Avec The New York Times et The Guardian