Interpol a refusé de valider une demande d'arrestation et d'extradition provenant de la Russie et visant l'Américain William Browder, patron d'un fonds d'investissement jugé par contumace à Moscou dans la même affaire que le juriste Sergueï Magnitski, mort en prison en 2009, estimant que ce dossier était «principalement de nature politique».

Dans un communiqué publié samedi, l'organisation internationale de coopération policière a annoncé que son secrétariat général avait «détruit toute information concernant William Browder» de ses données, après une «recommandation» de la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol (CCF). Cet organe de contrôle indépendant a estimé que cette demande russe était «de nature politique».

«Le CCF a étudié une plainte de M. Browder et a conclu que ce dossier était principalement de nature politique», a relaté Interpol qui a «immédiatement suivi la recommandation» de cet organe indépendant dont le rôle consiste à contrôler l'application des règles d'Interpol en matière de protection des données à caractère personnel.

L'article 3 du règlement d'Interpol interdit l'utilisation à des fins politiques du réseau de l'organisation internationale de coopération policière.

Par ailleurs, Interpol a informé de sa décision les 190 pays membres qui ont reçu la diffusion russe «d'arrestation en vue d'extradition».

Le 22 avril dernier, le tribunal Tverskoï de Moscou avait lancé un mandat d'arrêt contre M. Browder. Le ministère russe de l'Intérieur accuse cet homme d'affaires d'avoir acheté illégalement des actions du groupe public Gazprom à une époque où cela était interdit aux étrangers.

Cet Américain a milité activement pour l'adoption aux États-Unis d'une loi visant des responsables russes soupçonnés d'implication dans la mort en 2009 de son juriste. Cette loi a finalement été promulguée fin 2012 et a provoqué un conflit diplomatique entre Moscou et Washington.

Magnitski avait été arrêté en 2008 après avoir dénoncé une vaste machination financière de 5,4 milliards de roubles (130 millions d'euros) ourdie, selon lui, par des responsables de la police et du fisc au détriment de son employeur ainsi que de l'État russe.

Il avait alors été inculpé de fraude fiscale par les responsables mêmes qu'il dénonçait, selon le fonds d'investissement Hermitage Capital appartenant à William Browder.

Il est mort après onze mois de détention provisoire.

Dans un communiqué rendu public à Londres, un porte-parole d'Hermitage Capital, s'est félicité de la décision d'Interpol, estimant qu'elle constituait «un signal clair qu'un régime profondément corrompu ne sera pas autorisé à persécuter en toute impunité les lanceurs d'alerte qui ont dénoncé ce système».

«Nous espérons qu'un jour, les responsables des actes de torture qui ont entraîné la mort de Sergueï Magnitsky seront traduits devant la justice, avec l'aide d'Interpol», ajoute le communiqué.

Hermitage Capital précise que William Browder participera le lundi 27 mai à Berlin à un symposium sur la diplomatie culturelle et les droits de l'homme, pour y poursuivre sa campagne en faveur de l'adoption par les pays européens d'une «loi Magnitsky», à l'instar de ce qu'on fait les États-Unis.

Cette loi vise à instaurer des sanctions, concernant notamment les visas, et le gel des biens des responsables russes impliqués dans «l'arrestation sans fondement et le meurtre de  Sergueï Magnitsky», ajoute Hermitage. Selon le fonds d'investissement, 16 officiels Russes ont déjà été sanctionnés par les autorités américaines.

De son côté, la Russie a affirmé ne pas avoir demandé l'arrestation de William Browder. Le bureau russe d'Interpol a remis à l'organisation internationale une demande visant à «établir le lieu de résidence de M. Browder, mais n'a pas encore demandé de valider un mandat d'arrêt international le visant», a déclaré à l'AFP un porte-parole du ministère, Denis Stroukov.