Le Canada se retrouve aujourd'hui dans une position relativement plus avantageuse qu'avant la récession, mais le monde dans lequel nous évoluons maintenant est plus difficile.

«Contrairement au reste du G7, le Canada n'a pas besoin de réparations», a indiqué hier le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, dans sa dernière intervention publique avant de prendre la gouverne de la Banque d'Angleterre, à compter du 1er juillet.

Conférencier de la chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. Carney a réitéré que la croissance canadienne devra reposer davantage sur les exportations et les investissements des entreprises. En conférence de presse, il a cependant précisé que le Canada peut faire plus en augmentant la flexibilité du marché du travail, la productivité et la commercialisation de ses innovations.

Si «Le Canada fonctionne» par rapport à ses pairs, selon le titre de son allocution, c'est en raison de quatre avantages: une politique budgétaire responsable, une politique monétaire saine, un système financier résilient et une union monétaire fonctionnelle. Ces quatre pierres angulaires ne seraient pas suffisantes, a-t-il cependant insisté, si n'y prennent appui des investissements à long terme dans «les infrastructures, le capital humain, l'innovation et les nouveaux marchés».

Union monétaire

Sa description de l'union monétaire canadienne était sans doute l'aspect le plus original de sa présentation. Elle montrait aussi pourquoi le Canada fonctionne, alors que la zone euro fait face à de dures embûches.

L'union monétaire consiste en une économie intégrée, un fédéralisme budgétaire et un marché du travail flexible. Ainsi, la récession a permis de mesurer l'intégration de l'économie canadienne. Quand les exportations internationales se sont effondrées, le commerce interprovincial a pu les compenser en bonne partie. Dans le cas du Québec, l'effet de compensation est presque entier, entre 2007 et 2011. C'est moins le cas cependant pour l'Ontario ou Terre-Neuve-et-Labrador.

L'intégration économique joue aussi sur les prix selon les provinces. C'est ce que le gouverneur appelle les taux de change réels provinciaux. Ainsi, quand les prix de l'énergie stimulent les investissements en Alberta, les coûts unitaires de main-d'oeuvre y grimpent aussi.

«Cette dynamique fait monter le taux de change réel de l'Alberta et rend ainsi les biens et services des autres provinces, y compris du Québec, plus concurrentiels, illustre M. Carney. Le commerce interprovincial s'en trouve stimulé, ce qui a pour effet de répartir les avantages de la hausse des prix de l'énergie dans l'ensemble de l'économie.»

L'Europe ne profite pas de cette dynamique. Il lui manque «un marché financier unique, un marché du travail national flexible et des transferts budgétaires appréciables».

M. Carney a rappelé que les transferts budgétaires des administrations publiques représentent 8% du PIB canadien. Il a même suggéré que l'Europe se dote à terme d'un régime d'assurance-emploi commun et d'un marché du travail unique, deux défis colossaux.

La flexibilité du marché du travail canadien se compare désormais à celle du marché américain. Elle est presque quatre fois plus élevée que celle de la zone euro, grâce aux migrations interprovinciales. Devant la presse, M. Carney a précisé que, même en tenant compte de la particularité du Québec en matière de langue de travail, son marché du travail restait bien plus flexible que l'européen.

Économie en expansion

Le gouverneur a rappelé la solidité du système financier canadien, les mesures de relance budgétaires adoptées par les gouvernements et, bien sûr, le régime de ciblage de l'inflation. «Faisons le point: la structure de l'économie canadienne, le partage des risques à l'échelle de la fédération, la flexibilité du marché du travail et la stabilité du système financier ont, ensemble, permis au Canada de s'ajuster sans délai au choc de la crise financière mondiale.»

Depuis, le Canada a déjà amorcé l'assainissement de ses finances publiques, sa banque centrale a amorcé la normalisation de son taux directeur, et l'économie entrera bientôt dans sa quatrième année d'expansion.

Il faut profiter de cet avantage. «Devrions-nous nous contenter d'attendre 10 ans que le reste du G7 mène à terme le processus de réduction des leviers d'endettement? Ou, au contraire, devrions-nous prendre notre destin en main en tirant parti de nos forces dans le nouvel environnement mondial?»

La réponse de M. Carney est simple: «Pour que le Canada continue de fonctionner, nous devons bâtir.»