Le réveil du Japon, qui semble enfin émerger de sa torpeur économique, coïncide avec l'engourdissement prolongé de l'Europe toujours engluée dans la récession, au point, selon certains, de lui montrer la voie d'une sortie possible de crise.

Tokyo a publié jeudi le chiffre de sa croissance au deuxième trimestre, +0,9%, qui témoigne de l'accélération de l'activité économique, après plus d'une décennie perdue pour son PIB, plombé par la déflation.

«Quelle différence! Un jour après que la zone euro a confirmé un sixième trimestre consécutif de récession, le Japon a publié un solide +0,9%», a relevé Christian Schulz, économiste à la banque privée allemande Berenberg.

«La politique du nouveau gouvernement du premier ministre (Shinzo) Abe, un mélange de politique monétaire forte et de stimulus budgétaire, fonctionne», selon lui.

La Banque du Japon a récemment décidé une refonte de sa politique, en visant un doublement de la masse monétaire via des rachats massifs d'actifs, dont des obligations d'État, afin de vaincre la déflation et doper l'activité.

Cette brutale accélération d'une politique d'assouplissement, entamée de longue date, a également affaibli le yen et favorisé les exportations. Surtout, les consommateurs ont repris confiance, relançant la consommation interne.

Ces chiffres de croissance «devraient ainsi renforcer les anticipations d'une poursuite des politiques monétaire et budgétaire très accommodantes, afin de soutenir ce début de reprise», estiment les analystes CM-CIC Stratégie.

Aux États-Unis, la Réserve fédérale défend aussi une politique d'assouplissement monétaire.

Mais en Europe, la BCE, qui agit dans le cadre d'un mandat très strict et sous l'oeil vigilant de l'Allemagne hostile à toute surchauffe de la planche à billets, n'a pas les mêmes outils.

Certes, elle a baissé son taux directeur à un niveau historiquement bas et dit étudier tous les outils à sa disposition. Mais le seul mécanisme comparable à ce que la banque centrale japonaise a mis en place, le programme de rachat d'obligations souveraines baptisé OMT, est très encadré. Et il n'a pour l'instant jamais été utilisé.

Il prévoit que la banque centrale rachète de manière illimitée des obligations d'État de court terme. L'effet final théorique serait alors proche des mesures japonaises: injecter massivement des liquidités pour relancer la machine. Seulement l'OMT est soumis à de strictes conditions, notamment à une demande formelle d'un État membre. Or les capitales européennes ne veulent pas le demander par peur d'être stigmatisées.

Mais dans l'ambiance générale régnant en Europe, où les appels à la relance de la croissance viennent télescoper la politique d'assainissement des finances publiques, certaines voix réclament ces mesures d'assouplissement.

«La politique monétaire d'assouplissement quantitatif a produit des effets bénéfiques aux États-Unis (...) Nous ne savons pas si c'est durable et, au Japon, les effets ne sont pas encore mesurables. Mais le risque inflationniste est nul et donc la politique monétaire européenne peut donc enfin le faire!», affirmait récemment le ministre français du Redressement productif, Arnaud Montebourg, dans un entretien croisé avec l'ex-chef économiste de la BCE, Jürgen Stark, tenant de l'orthodoxie.

Ce dernier y est opposé: «même les Américains se demandent si la reprise créée de façon artificielle sera durable. Faire marcher la planche à billets n'aide pas ! L'excès de liquidité crée une nouvelle bulle spéculative», affirme-t-il.

«Dans la zone euro, il y a encore une certaine marge pour assouplir davantage la politique monétaire, compte tenu de la faiblesse de la demande et d'une inflation bien en deçà de l'objectif de la BCE», estimait de son côté en mars le chef économiste de l'OCDE, Pier Carlo Padoan.