Les marchés ont accueilli favorablement -- quoiqu'avec prudence -- lundi le premier discours de politique générale du nouveau président du conseil italien Enrico Letta, qui a promis moins d'austérité et plus d'emploi pour contrer «le cauchemar de l'appauvrissement», sans faire dévier l'Italie de sa trajectoire européenne.

La Bourse de Milan, déjà en nette hausse dès le début de la journée, a accéléré à l'issue du discours au Parlement de M. Letta devant précéder le vote de confiance et a terminé sur une hausse de 2,20%. Les taux d'emprunt italiens à 10 ans ont eux aussi fait leur révérence au nouvel exécutif en repassant sous la barre symbolique des 4%, soit au même niveau qu'à l'automne 2010.

Le ministère de l'Économie italien, désormais dirigé par le très respecté ex-banquier central Fabrizio Saccomanni, un proche du président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, a ainsi pu commencer son mandat sous de bons auspices en procédant d'emblée à un emprunt réussi de 6 milliards d'euros à moyen et long terme.

Vendredi, le gouvernement, alors encore en gestation, avait déjà pu pousser un soupir de soulagement lorsque l'agence de notation financière Moody's avait confirmé la note accordée à la dette de l'Italie, contrairement à ce que suggéraient depuis des semaines d'insistantes rumeurs. L'agence précise cependant se réserver la possibilité de l'abaisser à moyen terme.

M. Letta lui-même n'a pas dissimulé que «la situation économique de l'Italie demeure grave», avec une dette (environ 2000 milliards d'euros et un niveau de 130,4% du PIB attendus cette année) qui «pèse d'un poids énorme sur les générations présentes et futures». Il n'a pas hésité à comparer l'Italie à «David confronté au Goliath des gigantesques défis» qui l'attendent.

Attendu dès mercredi à Bruxelles, M. Letta a clairement exclu de relâcher «la discipline des finances publiques». Celle-ci «est et reste indispensable pour contenir les taux d'intérêt et éviter de possibles attaques financières» de la part des marchés, a-t-il souligné, rendant hommage à l'«effort d'assainissement» mis en oeuvre par son prédécesseur Mario Monti.

Parmi les principales annonces de son discours, la plus attendue par les Italiens était sans doute celle concernant l'IMU, une taxe foncière très impopulaire que Silvio Berlusconi s'était engagée à rembourser s'il était élu lors de sa campagne pour les législatives de février.

Bien que le parti de M. Berlusconi soit un pilier de sa coalition, M. Letta est resté plus flou sur cette question sensible, indiquant que la tranche dont devaient s'acquitter les contribuables italiens en juin était suspendue dans l'attente d'une réforme plus vaste, tout comme l'alourdissement envisagé de la TVA. Mais il a précisé que toute réduction fiscale devrait être opérée «sans endettement».

Le thème de l'IMU pourrait rester brûlant dans les prochaines semaines, voire vital pour l'avenir de la coalition, des proches de M. Berlusconi ayant laissé entendre que le vote par leur parti de la confiance au gouvernement pourrait en dépendre.

La priorité du mandat de M. Letta sera l'emploi, notamment celui des jeunes et des femmes, a promis le président du conseil. Le gouvernement entend aussi réfléchir à une forme de «revenu minimum, surtout pour les familles dans le besoin avec des enfants».

Il a aussi insisté sur la nécessité d'une «politique générale de réduction du coût du travail», considéré comme l'un des points faibles de l'Italie, et celle d'une politique industrielle moderne où les PME seraient «un vrai moteur de développement». Il a également plaidé pour une relance du tourisme et du projet d'Exposition universelle prévu à Milan en 2015.

Parmi les premières réactions, l'Association bancaire italienne ABI a fait part de sa «bonne opinion envers les indications de politique économique» données par M. Letta dans son discours.

Raj Badiani, analyste de IHS Global Insight, relève aussi le bon accueil réservé par les marchés à la nouvelle coalition mais s'inquiète de la «fragilité potentielle» de cette dernière. «Notre principale crainte est qu'elle ne se tienne éloignée du thème potentiellement difficile des réformes du marché de l'emploi, avec des factions dans la nouvelle administration représentant les intérêts des milieux d'affaires et des syndicats», écrit-il.

En outre, «l'Italie est encore loin d'avoir repris le contrôle de ses finances publiques, ce qui suggère que le nouveau gouvernement aura une puissance de feu limitée pour ramener l'économie à la vie», prévient-il.