Lasse d'être rendue responsable des maux de l'Europe en crise, l'Allemagne a adopté récemment un ton plus conciliant sans pour autant abandonner son attachement absolu au redressement des finances publiques.

Le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, notamment a mis de l'eau dans son vin. Il a fait part dernièrement de sa «pleine confiance» dans la France qui venait pourtant d'admettre un gros dérapage de son budget par rapport aux prévisions.

Le vétéran du gouvernement d'Angela Merkel n'a pas toujours fait montre d'autant de retenue, lui qui avait qualifié la Grèce de «puits sans fond» et exhorté les uns et les autres à «faire leurs devoirs» en échange de l'aide de l'Allemagne.

Globalement, «depuis l'automne 2012, l'Allemagne a accepté que les pays qui n'ont pas réussi à atteindre leurs objectifs budgétaires en raison d'une récession plus forte n'aient pas à compenser ce déficit par davantage d'austérité encore», constate Holger Schmieding, chef économiste chez Berenberg.

Un changement lié à un constat très pragmatique. «Il est évident que les Allemands ont vu comme tout le monde» que le résultat de l'austérité à tous crins «est mauvais», estime Sylvain Broyer, de Natixis.

Le pays, accusé d'étouffer la croissance et de mettre au chômage des générations entières d'Espagnols et de Grecs, a des velléités aussi d'améliorer son image. En témoignent les propos publiés mercredi du ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, qui a appelé à éviter «les agressions verbales» allemandes en direction des partenaires de Berlin, car «tout cela nous revient comme un boomerang».

Or les Allemands sont plus attachés que jamais à l'euro, selon un sondage publié mardi, qui montre que 69% d'entre eux veulent le garder comme monnaie.

La philosophie n'a pas changé

Sur le fond toutefois, «la philosophie du gouvernement allemand reste la même, à savoir qu'il faut consolider les finances publiques et faire des réformes pour pouvoir générer de la croissance», analyse Céline-Agathe Caro, chercheuse à la fondation Konrad-Adenauer, proche de la CDU, le parti de la chancelière.

M. Schäuble l'a redit cette semaine, il considère que croissance et discipline budgétaire vont de pair.

Pour M. Westerwelle, mettre fin à la consolidation budgétaire engagée partout en Europe «serait le mauvais chemin à prendre». «J'ai peur que certains essaient de nous remettre dans la voie bien connue de l'endettement», a-t-il ajouté.

Montrer qu'elle garde le cap sur cette question est essentiel pour Mme Merkel en cette année électorale où elle brigue un troisième mandat, et alors que sa popularité tient pour beaucoup à sa gestion de la crise.

Quant aux appels à en faire plus pour soutenir la croissance par la demande venus ces derniers jours des États-Unis ou de la Commission européenne, Berlin estime qu'elle apporte déjà la meilleure des contributions possibles en assurant le quasi-plein emploi sur son territoire.

Pour Sylvain Broyer, ce n'est de toute façon pas en stimulant la consommation en Allemagne que les exportations des pays en difficulté de la zone euro progresseront car ces pays n'offrent pas forcément les produits consommés par les Allemands.

En revanche, l'Allemagne «est partante pour un plan Marshall destiné à augmenter la productivité des pays périphériques», rappelle-t-il, la question butant sur le financement. Toutefois, «là-dessus, il y a un consensus en Europe pour dire que la Banque européenne d'investissement ne fait pas assez», souligne-t-il.

Berlin est d'autant plus encline à soutenir ses partenaires que son économie est mise à mal par leur crise. Les trois premiers mois de 2013 n'ont pas été fastes, comme l'ont rappelé mercredi deux poids lourds de l'industrie, Siemens et Daimler.

En outre, les Pays-Bas comme la Finlande, alliés traditionnels de Berlin dans le club très sélect des pays «triple A» les plus vertueux en matière budgétaire, font également de moins en moins bonne figure.