Malgré une facture d'essence plus lourde et une paie allégée, les consommateurs américains appuient sur l'accélérateur. Les plus grands consommateurs du monde ont repris les achats qu'ils avaient suspendus depuis la crise financière de 2007-2008, indiquent des données dévoilées la semaine dernière.

Voilà qui est de bon augure pour la première économie mondiale. Du moins à court terme.

Car on décèle aussi des signes que les Américains renouent avec une mauvaise habitude: le crédit, grand responsable de cette même débâcle financière d'il y a cinq ans.

Mais d'abord les bonnes nouvelles. Selon un rapport dévoilé mercredi par Washington, la hausse des ventes au détail s'est accélérée en février aux États-Unis.

L'indice des ventes des détaillants et des restaurants, établi par le département du Commerce, a augmenté de 1,1% par rapport à janvier (données corrigées des variations saisonnières), alors que la prévision médiane des analystes le donnait en hausse de 0,5%.

C'est la croissance la plus forte en cinq mois.

Fait encourageant, ce dernier bilan montre que les Américains encaissent sans broncher la poussée des prix de l'essence de cet hiver. Plus étonnant encore, ils composent plutôt bien avec la hausse de 2% des contributions sociales puisées à même leur chèque de paie; une nouvelle ponction entrée en vigueur le 1er janvier après l'impasse sur le budget à Washington.

Au vu de ces données, l'économiste réputé Joel Naroff se réjouit: «Les hausses d'impôts ont eu un effet minime sur la consommation, jusqu'à présent du moins.» Et, ajoute-t-il, «l'économie conserve beaucoup d'élan».

Accros au crédit

Or, un examen approfondi du bilan personnel des Américains laisse voir une situation moins rassurante.

Beaucoup de consommateurs utilisent de plus en plus leurs cartes de crédit (ainsi que leurs récents remboursements d'impôts) pour s'offrir le tout dernier téléphone intelligent, un énième téléviseur ou même une belle voiture neuve.

Il s'agit d'un important changement dans le comportement de nos voisins du Sud, qui avaient pourtant réduit leur dépendance au crédit après la crise financière.

Alors que le revenu personnel des Américains stagne depuis cinq ans, les prêts à la consommation ont connu une croissance pour le sixième mois d'affilée en janvier, croissance qui s'accélère, souligne un rapport de la Réserve fédérale (Fed), la banque centrale des États-Unis.

L'encours des crédits à la consommation a bondi de 7%, après une autre hausse marquée de 6,6% en décembre. Sur l'ensemble de 2012, le crédit des ménages avait déjà grimpé de 5,9%, après avoir progressé de 3,4% en 2011.

Si bien que la Fed estime que le cycle de désendettement des consommateurs, entamé fin 2008, touche à sa fin.

À preuve: le taux d'épargne des Américains est retombé à son niveau le plus bas depuis la récession de 2008, estime la Fed en se basant sur divers indicateurs. Les Américains restent donc accros au crédit, laissant croire que la cure de désintox aura été de courte durée.

Emploi et immobilier

De toute évidence, la prudence et l'humeur maussade des dernières années aux États-Unis sont balayées par les récentes bonnes nouvelles.

D'abord, les perspectives d'embauche s'améliorent, l'économie américaine ayant créé un nombre surprenant de 236 000 emplois le mois dernier.

De plus, beaucoup de ménages ont l'impression d'être plus riches qu'il y a cinq ans, sentiment renforcé par un autre rapport de la Fed.

La hausse des prix de l'immobilier et les records en série des indices boursiers à Wall Street ont pour effet d'accroître la «richesse» collective, soit l'avoir net des Américains qui - à environ 66 000 milliards US - est revenu près de son sommet de 2007 (environ 68 000 milliards US).

Bref, un vent de reprise souffle sur l'économie américaine ces jours-ci, et la bonne humeur revient dans les chaumières. Une bonne nouvelle, car aux États-Unis plus qu'ailleurs, l'économie est d'abord assise sur la consommation, qui concourt pour 70% au produit intérieur brut (PIB).

Réaliste, James Marple, de Valeurs mobilières TD, rappelle cependant que «l'ampleur des défis auxquels font face les ménages américains [...] ne va pas diminuer avant plusieurs mois».

Selon lui, les coupes dans les dépenses fédérales qui ont commencé à prendre effet le 1er mars vont se faire sentir plus tard. Avec le renchérissement attendu des carburants et les impôts plus élevés, cela «entraînera probablement un ralentissement» au printemps et durant l'été.

Sans compter que le démon du crédit, qu'on croyait avoir éloigné pour de bon, montre encore son vilain nez dans un portrait qui, autrement, serait fort encourageant.

Hausse du crédit à la consommation en janvier aux États-Unis, marquant une sixième augmentation d'affilée.