La Pologne veut mettre au plus vite son économie en conformité avec le traité de Maastricht mais ce pays, qui figure parmi les champions de la croissance dans une Europe en crise, ne parait guère pressé d'adopter la monnaie commune.

Le président Bronislaw Komorowski a déclaré cette semaine que la Pologne prendrait la décision sur son adhésion à la zone euro après 2015, sans donner toutefois de date pour cette adhésion.

«Je pense que nous pouvons prendre pour acquis le fait que nous allons nous concentrer pleinement sur le respect des critères de Maastricht (...) afin de prendre tranquillement les décisions sur l'entrée ou non de la Pologne dans la zone euro après les élections (présidentielle et législatives, ndlr) de 2015», a-t-il déclaré.

Krzysztof Rybinski, ancien vice-président de la Banque centrale et professeur à l'Université des Sciences économiques de Varsovie, avance plusieurs raisons pour expliquer que la Pologne n'est pas pressée de rentrer dans la zone euro.

La première tient à «la situation de la zone euro elle-même», dit-il à l'AFP. «On ne sait pas comment la crise actuelle va évoluer (...) on ne rentre pas dans une maison qui pourrait peut-être s'écrouler», explique-t-il.

Il pointe par ailleurs le fait qu'une majorité de Polonais est contre l'abandon du zloty et l'adoption de l'euro - plus de 60%, selon les sondages.

Enfin, il estime que Varsovie va avoir des difficultés à respecter tous les critères du traité de Maastricht, notamment la réduction du déficit public, «dans les deux ou trois années à venir».

Actuellement seule sa dette publique, autour de 55% du PIB, est conforme aux exigences de Maastricht. Son inflation moyenne en 2012 s'est chiffrée à 3,7% et son déficit des finances publiques reste toujours supérieur à la barre requise de 3% du PIB (3,4% en 2012).

Le chef du gouvernement libéral Donald Tusk et ses ministres assurent que Varsovie remplira en 2015 tous ces critères.

Le ministre polonais des Finances Jacek Rostowski, a insisté cette semaine sur la nécessité de renforcer les conditions «d'une économie dynamique et compétitive» pour éviter les problèmes auxquels se sont heurtés «certains pays qui n'étaient pas bien préparés au changement».

La Pologne a déjà mis en route une série de réformes de ses finances publiques en s'attaquant notamment au délicat problème des retraites.

Selon une loi promulguée en juin, l'âge de la retraite va reculer progressivement dès 2013 à 67 ans en 2020 pour les hommes et en 2040 pour les femmes, contre respectivement 65 ans et 60 ans actuellement.

La Pologne, seul pays de l'UE à avoir préservé la croissance tout au long de la crise surgie en 2008, apparaît comme le bon élève de la classe européenne.

L'agence de notation Fitch vient d'en relever la perspective à «positive» contre «stable» auparavant, estimant que le pays a réussi à réduire significativement son déficit public et a des «perspectives saines» de croissance à moyen terme.

«Le déficit public de la Pologne s'est réduit de 4,5 points de pourcentage du PIB depuis 2010, passant à 3,4% du PIB estimés en 2012», souligne Fitch qui prévoit «une légère amélioration à 3,2% en 2013, et 2,7% en 2014».

L'agence souligne la «forte résistance» de la Pologne à la crise de la dette de la zone euro, «malgré ses forts liens économiques et financiers avec l'Europe occidentale».

L'économie polonaise devrait profiter de l'enveloppe de 105,8 milliards d'euros obtenue lors des récentes négociations à Bruxelles sur le budget pluri-annuel européen 2014-2020.

Pour 2013, Fitch table sur un ralentissement de la croissance en Pologne à 1,6% après 2% en 2012.

Avant d'entrer dans la zone euro, la Pologne devra cependant modifier sa Constitution qui prévoit actuellement que la Banque centrale est l'unique émetteur de la monnaie nationale.

Actuellement, cette modification de la Constitution qui demande une majorité qualifiée des deux tiers au Parlement, serait bloquée par l'opposition nationaliste. D'où l'idée de reporter toute décision sur l'euro après les élections de 2015.

En attendant, la Pologne, membre de l'UE depuis 2004, adhère au pacte budgétaire européen, espérant éviter ainsi une marginalisation qui menace les pays non membres de la zone euro.