Les marchés financiers mondiaux étaient sous le choc mardi matin après la matérialisation inattendue de l'un des pires scénarios politiques en Italie, celui d'un pays potentiellement ingouvernable, qui fait craindre une nouvelle poussée de fièvre en zone euro.

«Non habemus majoritate», plaisante Bruno Cavalier, économiste de Oddo Equities en référence à l'incertitude au Vatican liée à la démission annoncée du Pape. Evanouis les derniers espoirs de voir la gauche italienne former une majorité au Sénat avec l'appui du mouvement de Mario Monti, la réaction a été violente et les Bourses se sont effondrées dès l'ouverture, notamment Milan, qui chutait mardi de plus de 4,5% à la mi-journée.

La Bourse de Paris chutait de 2,31%, Londres 1,25%, Francfort de 1,84% et Madrid 2,72%.

L'Asie a donné le ton mardi, avec de fortes baisses sur quasiment toutes les places financières régionales. Tokyo a chuté de 2,26%, Hong Kong a perdu 1,32% et Shanghai, d'ordinaire indifférente aux événements extérieurs à l'Asie, a reculé de 1,40%.

À Wall Street, l'indice vedette de la Bourse de New York, le Dow Jones avait perdu lundi 1,54%, tandis que le Nasdaq, qui regroupe les valeurs technologiques, avait lâché 1,44%.

L'euro a également piqué du nez face au dollar et au yen et les taux italiens et espagnols se sont nettement tendus sur les marchés obligataires.

En Espagne, autre pays considéré comme un maillon faible de la zone euro, le ministre de l'Economie Luis de Guindos a admis que le risque d'instabilité politique résultant des élections en Italie avait un effet de contagion sur les marchés, mais espéré que celui-ci serait «de courte durée». «Ce qui est bon pour l'Italie est bon pour l'Espagne», a-t-il déclaré, se disant «convaincu» que «la volonté politique» de sortir l'Europe de la crise «allait prévaloir».

Les marchés financiers, qui espéraient de longue date et misaient encore lundi avec une certaine confiance sur une alliance pro-réformes entre le dirigeant du centre gauche Pier Luigi Bersani et le président du Conseil sortant Mario Monti, l'option la plus favorable du point de vue des marchés financiers, en ont été pour leurs frais.

Non seulement une telle alliance au vu des résultats ne suffit pas pour avoir la majorité au Sénat, mais la réapparition de leur bête noire Silvio Berlusconi et la spectaculaire percée du mouvement de l'ex-comique Beppe Grillo ont mené à une situation de «tempête parfaite», constate amèrement le journal des milieux d'affaires Sole 24 Ore.

D'où le coup de froid sur les places boursières, dont la durée paraît difficile à pronostiquer alors qu'aucune solution ne se profile pour l'instant. «Les acteurs de marché devraient demeurer sur le qui-vive étant donné que le scrutin italien a débouché sur l'un des pires résultats possible», constatent les économistes de la banque Commerzbank.

«L'instabilité politique va probablement se poursuivre à court terme et ralentir la mise en oeuvre de réformes structurelles nécessaires, à moins que se forme une grande coalition entre le PD (Parti démocrate), le PDL (parti de Silvio Berlusconi) et le centre (de Mario Monti)», constatent leurs homologues de Barclays.

«L'Italie ne peut pas se permettre d'être piégée trop longtemps dans une impasse politique. Si cette situation perdure et que les partis échouent à s'entendre sur une grande coalition, la probabilité que l'Italie requière une ligne de crédit augmenterait», poursuivent-ils, jugeant que le scénario de nouvelles élections serait le pire aux yeux du marché en raison de sa longueur et de l'incertitude qu'il comporte.

Outre le danger de voir sa note dégradée par les agences de notation et de voir ses réformes interrompues, une Italie sans gouvernail courrait le risque de se laisser aller à des dérapages budgétaires, note un autre expert.

Certains se demandent si l'Italie peut constituer un risque pour l'ensemble de la zone euro. «Nous devons nous rappeler pourquoi l'Italie est si importante pour la survie de l'euro. Silvio Berlusconi a été mis à la porte il y a deux ans et remplacé par le technocrate Mario Monti, dont le seul objectif était de réformer le pays. Cela n'a pas vraiment été fait à part quelques retouches fiscales et donc l'Italie, avec sa gigantesque montagne de dettes, reste une bombe à retardement au coeur de la zone euro», soulignent les experts de la société Capital Spreads.

«La mise en oeuvre des réformes institutionnelles nécessaires, surtout l'Union bancaire, aurait été très difficile quoiqu'il arrive. Mais y parvenir avec des gouvernements faibles, distraits et avec peu de légitimité le sera encore plus. En l'état, un gouvernement italien faible sera un poids de plus au passif de l'Europe», estiment les analystes de UBS.