Un millier d'usines fermées depuis trois ans.

La France vient de franchir un cap symbolique qui confirme un triste phénomène: la désindustrialisation s'installe dans la deuxième économie européenne.

PSA (voitures Peugeot), Doux (agroalimentaire), Goodyear (pneumatiques), ArcelorMittall (métaux)... autant de grandes sociétés, du pays et étrangères, qui comptent réduire leur présence dans l'Hexagone en fermant des usines.

Le dernier portrait de l'économie française montre que l'année 2012 a été particulièrement brutale pour le secteur manufacturier: 266 usines ont fermé leurs portes. Une augmentation de 42% sur un an, selon une étude du cabinet Trendeo. Parallèlement, on ne dénombre que 166 ouvertures d'usines l'an dernier.

Résultat: 24 000 postes ont été supprimés dans l'industrie l'an passé. Plus de 120 000 en trois ans.

«L'économie française s'installe dans une tendance dépressive», avertit Trendeo.

Au-delà des compressions annoncées par les grandes sociétés, la désindustrialisation est encore plus profonde qu'elle n'y paraît, car ce sont surtout des PME qui sont touchées. Ainsi, la taille moyenne des usines fermées est de 71 salariés. La détérioration «du tissu industriel s'opère à bas bruit», soulignent avec une certaine élégance les auteurs de l'étude.

L'inquiétude s'accroît davantage lorsqu'on regarde les secteurs les plus touchés: l'automobile (-42 000 emplois depuis 2009), l'industrie pharmaceutique (-8650 emplois) et même l'agroalimentaire français, qui dénombre des milliers d'emplois en moins. La crise économique européenne a frappé le coeur industriel de la France.

Une telle hémorragie, après l'affaire très médiatisée de la taxation à 75% des plus nantis (dont Gérard Dépardieu), donne encore plus de munitions à ceux qui critiquent les ratés de la France sur le plan économique.

Au Royaume-Uni, le France bashing est devenu un sport national. Le premier ministre David Cameron, le maire de Londres et des gens d'affaires se moquent régulièrement de leurs voisins outre-Manche.

Plusieurs médias internationaux ont reproduit la «une» assassine du magazine britannique The Economist, qui montrait en novembre, sous le titre «La France, bombe à retardement de l'Europe», cette image: un paquet de baguettes de pain attachées par un drapeau tricolore pour former un engin d'explosif.

Une faible productivité

Alarmistes ou non, les attaques contre le modèle français reposent essentiellement et surtout sur une chose: la trop faible productivité.

Pouvoir trop important des syndicats, heures travaillées insuffisantes, avantages sociaux coûteux, règles du travail inflexibles qui rendent très difficile pour un employeur de faire des mises à pied... Tous ces facteurs contribuent à faire de l'industrie française une machine inefficace, aux yeux des critiques.

En faisant la comparaison avec ses concurrents, force est d'admettre que les «bleus» sont en perte de vitesse.

Les chiffres sur le commerce extérieur sont éloquents: alors que la France accaparait 7% du commerce mondial en 1999, ce chiffre est tombé à un peu plus de 3% en 2011 et continue de diminuer, selon la Banque Natixis.

À l'heure où les pays émergents grugent les parts de marché des pays industrialisés, la France résiste aussi fort mal à la comparaison avec ses partenaires européens.

Selon Goldman Sachs, le coût unitaire de main-d'oeuvre en France - le prix pour produire une chemise ou une voiture - a augmenté de 17% depuis 2005, comparativement à des hausses de 10% en Allemagne, de 5,8% en Espagne et de 2% en Irlande.

Et les travailleurs français reçoivent un salaire horaire de 35,3 euros en moyenne, contre 25,8 euros en Italie et 22 euros au Royaume-Uni. (source: AP-CNN)

La saignée se poursuit

Jeudi dernier, l'institut des statistiques INSEE a remis un bulletin plutôt déprimant au gouvernement de François Hollande: la croissance économique de la France a été nulle en 2012, contrastant avec une hausse de 1,7% l'année précédente.

Le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, s'est contenté d'encaisser le coup: «la situation n'est pas bonne, ce sont des chiffres préoccupants», a-t-il admis lors d'une interview sur France 2, en soulignant qu'elle ne l'était pas davantage dans l'ensemble de l'Union européenne.

Or, la saignée industrielle n'est probablement pas terminée pour nos cousins de l'autre côté de l'Atlantique.

L'indice PMI calculé pour la France par la firme Markit a de nouveau plongé en janvier, à un creux de près de quatre ans. Cet indice des directeurs d'achats est une enquête sur les nouvelles commandes passées à l'industrie et au secteur des services.

En clair, cet indicateur avancé nous dit que l'économie se dégrade en France alors qu'il est à un sommet de 10 mois dans l'ensemble de la zone euro. Une exception dont les Français, cette fois, voudraient bien se passer.