Depuis quelques jours, l'Europe revient hanter les marchés financiers. Le regain de tensions est nourri par l'appel à l'aide de Chypre qui ploie sous le poids de sa dette publique et les créances de ses banques, par la fragilisation de la situation politique en Italie et en Espagne de même que par l'assainissement douloureux du bilan de plusieurs grosses banques du Nord.

En font foi la dégringolade hier des grands indices boursiers du Vieux Continent de même que la remontée des taux obligataires sur la dette de l'Espagne et de l'Italie, hier, après plusieurs mois de détente.

Ces tensions vont perdurer au moins jusqu'à jeudi, jour où les chefs de gouvernement de l'Union européenne se rencontrent dans un sommet de deux jours dans le but notamment de régler la très délicate question du budget de Bruxelles.

Chypre a besoin de 16 milliards d'euros pour faire face à ses obligations, ce qui aurait pour effet de doubler sa dette.

De cette somme énorme, Nicosie affirme que près de 10 milliards seraient voués à la recapitalisation des banques chypriotes qui ont dû essuyer d'énormes pertes par suite de la restructuration de la dette grecque, l'an dernier. Les détenteurs privés d'obligations hellènes ont dû réduire la valeur faciale de leurs titres de 50%, en plus d'accepter un rendement moins élevé et une échéance plus longue. Les banques chypriotes en détenaient beaucoup.

En échange d'un prêt puisé dans le Mécanisme européen de stabilité, on peut compter sur certains pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas pour imposer l'austérité budgétaire, comme ont dû s'y résoudre l'Irlande, le Portugal et surtout la Grèce qui, à elle seule, a eu droit à deux des quatre sauvetages dans la zone euro au cours de la présente décennie.

Et Athènes exerce depuis quelques jours plusieurs pressions dans le but qu'on assouplisse les conditions de recapitalisation de ses banques.

L'Espagne, dont le taux de chômage atteint 26%, est aux prises avec un énorme scandale de corruption politique. Son premier ministre, Mariano Rajoy, est accusé par le quotidien madrilène El Pais d'avoir touché un salaire au noir, versé en espèces par son parti. M. Rajoy, qui avait hier un tête-à-tête avec la chancelière Angela Merkel à Berlin, rejette les accusations alors que les partis de l'opposition réclament sa démission, tout comme les milliers de manifestants dans les rues des grandes villes espagnoles durant le week-end.

En Italie, c'est le spectre d'un retour au pouvoir de Silvio Berlusconi, 76 ans, qui inquiète la communauté internationale. Un sondage publié dimanche montre que l'écart qui le sépare du favori Pier Luigi Bersani pour le scrutin des 24 et 25 février n'est plus que de cinq points. La montée en popularité de l'homme accusé de fraude fiscale et de rapports sexuels avec une mineure s'explique par son engagement à abolir rétroactivement la taxe sur la résidence principale (une bagatelle de 4 milliards d'euros). Elle avait été instaurée par le premier ministre technocrate Mario Monti, parmi plusieurs mesures de redressement des finances publiques. Ce dernier avait succédé à M. Berlusconi au moment où les coûts d'emprunt de Rome grimpaient en flèche.

Hier, le taux d'une obligation italienne de 10 ans a augmenté de 11 centièmes, à 4,43%, tandis que celui d'un titre espagnol de même échéance a bondi de 23 centièmes, à 5,43%.

Les tensions politiques de ces deux pays méditerranéens font reculer les actions de leurs grandes banques. Santander, première banque espagnole, a cédé 3% hier tandis qu'UniCredit, premier prêteur de la Péninsule, a décroché de 5,3%.

Les banques du Nord peinent de leur côté à nettoyer leur bilan. Après la nationalisation de la néerlandaise SNS Reaal NV la semaine dernière, les deux premières banques allemandes, Deutsche Bank et Commerzbank, ont déclaré de lourdes pertes trimestrielles tandis que Crédit Agricole a radié pour 2,68 milliards d'euros d'actifs intangibles.

La crise de la zone euro est loin d'être terminée.

Sauvetage de Chypre: environ 16 milliards d'euros

- Sommet européen: 7 et 8 février

- Élections italiennes: 24 et 25 février

- Écart entre Silvio Berlusconi et Pier Luigi Bersani: cinq points