Le financement populaire, ou crowdfunding, permet aux petits entrepreneurs de récolter des fonds auprès de n'importe qui. Mais il ne faudrait pas que ce soit n'importe comment.

Le financement populaire l'est de plus en plus - populaire, s'entend.

Connu en anglais sous le nom de crowdfunding, il promeut un principe simple: sur une plateforme internet, l'entreprise, l'organisme, ou même le particulier entreprenant, demande au tout-venant de contribuer au financement de son projet.

Le nombre de plateformes de financement populaire dans le monde a quintuplé depuis 2007, pour dépasser 500 en 2012.

En 2012, les fonds récoltés devraient atteindre 2,8 milliards de dollars, en hausse de 90% par rapport à 2011.

Des questions en suspens

Ce foisonnement rapide et sans frontières soulève plusieurs interrogations.

«Je suis pour, mais j'ai beaucoup de questionnements sur le comment, exprime François Gilbert, président du groupe d'investisseurs Anges Québec. Si on permet de faire n'importe quoi n'importe comment, c'est un phénomène qui va être très passager.»

On distingue généralement quatre formes de campagne de financement populaire.

La campagne à base de dons: le donateur contribue sans contrepartie à une cause ou un projet.

La campagne à base de récompenses: on promet au donateur une récompense matérielle en échange de sa contribution - le produit qu'on finance ainsi, par exemple.

La campagne de sollicitation de prêts: le contributeur prête une somme en échange d'intérêts.

La campagne à base d'actions: le contributeur obtient une participation dans l'entreprise ou à ses bénéfices.

Les deux premières catégories, qui font davantage appel à la générosité ou à la confiance, obtiennent un certain succès pour des projets qui touchent les convictions ou les passions des contributeurs. Selon l'organisme de référence Crowdsourcing, les deux tiers de ces campagnes recueillent moins de 5000$.

Les deux dernières catégories sont les plus rentables. Dans 80% des cas, elles recueillent plus de 25 000$. Elles sont couramment utilisées pour financer des projets de jeux électroniques, de logiciels, de films, de littérature. Mais il y a un hic: ces campagnes à base de prêts ou d'actions tombent sous la juridiction des organismes de régulation des marchés financiers.

Une «réflexion» à faire

Aux États-Unis, une loi adoptée au Sénat en mars 2012 prévoit un encadrement plus souple du crowdfunding.

«Le problème au Canada, c'est que c'est une loi provinciale, soulève François Gilbert. Il va falloir que les provinces s'entendent.»

Au Québec, aucune réglementation ne s'applique spécifiquement au financement populaire. «Nous faisons notre propre réflexion et on va suivre avec attention ce qui se passe en Ontario, qui vient de lancer une consultation là-dessus, commente Sylvain Théberge, porte-parole de l'Autorité des marchés financiers. En 2013, si on doit à en arriver à des changements réglementaires ou des ajouts de réglementation pour mieux encadrer ce genre de financement, on le fera, mais pour l'instant on n'en est pas là.»

Les points de réflexion sont nombreux. Faut-il limiter la participation d'un contributeur, peut-être en proportion de son revenu?

Faut-il plafonner les sommes recueillies lors d'une campagne?

Aussi petite soit-elle, une entreprise devient-elle publique lorsque le nombre de ses actionnaires contributeurs s'accroît, avec toute la lourdeur administrative qui s'attache à ce statut?

Les frais, non réglementés, sont très variables. La plupart des plateformes de financement populaire demandent une proportion des fonds recueillis: de 2% à 25%, avec une moyenne de 7% pour l'Amérique du Nord et l'Europe, selon Crowdsourcing.

Comment s'y retrouver?

S'y ajoute la question de la protection du consommateur.

«Comment fait-on la différence entre des projets qui sont bons et des projets à la Vincent Lacroix?», s'enquiert Martin Boyer, professeur de finances à HEC-Montréal.

Certaines plateformes ont des mécanismes de filtrage plus ou moins élaborés, mais d'autres, aucun.

«Le problème n'est pas le concept lui-même, poursuit-il. Le problème, c'est à quel point les investisseurs sont protégés en situation de fraude, de mauvaise utilisation des ressources, ou de faillite pure et simple en toute bonne foi. Comment fait-on la séparation entre tout ça?»

Une terre nouvelle à civiliser.

Nombre de plateformes de financement

Décembre 2012 (prévision) : 536

Avril 2012 : 452

États-Unis : 191

Royaume-Uni : 44

Pays-Bas : 29

France : 28

Brésil : 21

Allemagne : 20

Espagne : 18

Canada : 17

Nombre de campagnes réussies en 2011

1,18 million

Fonds récoltés 2011 (estimation)

1,47 milliard US

2012 (prévision)

2,8 milliards$US

Source: Crowdsourcing, Crowdfunding Industry Report, 2012, preview