Le gouvernement français avait sorti l'artillerie lourde pour faire plier le géant de la sidérurgie Lakshmi Mittal en évoquant la nationalisation possible d'installations menacées de fermeture en Lorraine. Mais la stratégie n'a pas donné exactement les fruits escomptés et les syndicats sont aux abois.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé personnellement, vendredi soir, la conclusion du bras de fer engagé depuis plusieurs semaines avec l'entrepreneur indien, qui avait annoncé en septembre sa décision de fermer de hauts fourneaux situés à Florange.

Le chef du gouvernement s'est félicité du fait qu'aucun «plan social» ne serait finalement annoncé par Mittal, qui s'est engagé à replacer les 650 employés touchés par sa décision sans mise à pied forcée.

L'entreprise a également promis d'injecter 180 millions d'euros au cours des cinq prochaines années pour moderniser les installations de transformation à froid présentes sur le même site.

Aucune garantie n'a cependant été obtenue sur le maintien en activité des hauts fourneaux. Ils pourraient être transformés au coût de 600 millions d'euros avec l'aide de l'État français et de l'Union européenne, mais la firme de sidérurgie s'est abstenue d'évoquer cette possibilité dans le communiqué publié samedi pour confirmer l'entente.

«Personne ne peut a priori faire confiance à Mittal, ça fait 18 mois que les salariés sont ballotés entre promesses non tenues et douches froides», a prévenu le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Laurent Berger.

Un porte-parole de l'organisation syndicale a ajouté que les employés du site de Florange pourraient bien devenir le «cauchemar» du gouvernement actuel après avoir hanté la présidence de Nicolas Sarkozy.

Le secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), Bernard Thibault, a indiqué dans la même veine que l'entente conclue avec Mittal représentait un «renoncement considérable» de la part des dirigeants français.

Leur déception reflète l'importance des attentes suscitées par les interventions dans le dossier du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Il avait évoqué à plusieurs reprises la possibilité de nationaliser temporairement les installations pour les revendre à un investisseur.

Le politicien avait fait savoir la semaine dernière qu'il avait trouvé un repreneur crédible. La menace a tourné court, vendredi soir, lors de l'intervention du premier ministre, qui a contredit son collègue sur l'existence d'un acheteur potentiel sérieux.

M. Montebourg a accueilli l'intervention comme une rebuffade. Il a proposé samedi au président François Hollande de démissionner, mais s'est finalement ravisé dans l'après-midi. Le chef d'État français a précisé par la suite que la menace de nationalisation était «très difficile à utiliser», mais nécessaire pour faire bouger Mittal.

La droite a vertement critiqué le stratagème suivi. «Cette technique de matamore ne constitue pas une politique industrielle cohérente. Au contraire, elle met en danger les nombreux sites industriels partout sur le territoire», a affirmé le président contesté de l'Union pour un mouvement populaire, Jean-François Copé.

Les menaces envers Mittal ont soulevé nombre de commentaires critiques hors de France, particulièrement en Grande-Bretagne. Le maire de Londres, Boris Johnson, a notamment invité les sociétés étrangères implantées dans l'Hexagone à déménager pour échapper au régime de révolutionnaires «sans-culottes» en place à Paris.