Au cours des 50 prochaines années, le monde va connaître des changements profonds au plan économique, avancent deux importantes études.

D'abord, il faudra composer avec une nouvelle réalité: l'économie planétaire -qui a été marquée depuis 20-25 ans par une croissance soutenue, voire frénétique par moment- approche d'un point de «saturation», soutient le groupe Schroder Investment, de Londres.

Sans pour autant prédire une panne sèche, les experts de cette société financière réputée font cet avertissement: d'ici une quarantaine d'années, l'économie mondiale sera limitée à une croissance plus lente, et ce de façon probablement permanente.

En cause: les changements climatiques, la démographie changeante et l'épuisement des ressources naturelles.

Par ailleurs, l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) vient aussi de tenter un exercice périlleux similaire, soit de prédire la conjoncture à l'horizon 2060.

Essentiellement, l'organisme annonce ce que beaucoup ont déjà pressenti, soit «des changements majeurs dans la composition de l'économie mondiale».

Et pas les moindres puisque les États-Unis, première puissance mondiale, se retrouveront au troisième rang, derrière la Chine et l'Inde, juste devant le Brésil

Saturation

Dans une longue étude, dont des extraits ont été récemment dévoilés par l'agence Bloomberg, Schroder élabore sur les facteurs importants qui freineront la croissance économique à long terme.

D'abord, les prévisions démographiques montrent que la population mondiale augmentera de deux milliards d'habitants d'ici 2050, ou de 30%. Et croissance des pays émergents oblige, trois milliards de personnes durant ce temps joindront les rangs des «consommateurs» de la planète. C'est-à-dire des gens capables de dépenser de 10 à 100$ US par jour.

Une bonne nouvelle? Oui et non.

Avec cet afflux de nouveaux consommateurs, la taille de l'économie mondiale sera multipliée par trois, évalue Schroder. Voilà pour la bonne nouvelle.

Par contre, il en découlera une demande additionnelle pour toutes sortes de biens (autos, logements, aliments, etc.), ce qui poussera l'environnement «à ses limites», préviennent les experts de Schroder, pourtant peu enclins aux déclarations éco-alarmistes.

Pour répondre à la demande, il faudra 35% de plus de nourriture et 37% d'énergie supplémentaire (chiffres de l'OCDE). La planète sera probablement incapable d'en donner autant... d'où «la saturation» au plan économique.

En outre, un autre frein majeur viendra du vieillissement de la population dans certains pays. Avec une fécondité moindre et une espérance de vie accrue, cela entraînera une diminution de la population en âge de travailler.

En revanche, des pays émergents comme l'Indonésie, l'Inde ou certains pays africains bénéficieront de leur population plus jeune.

Sur ce nouvel échiquier, l'Asie se taillera la part du lion. Pesant respectivement 28% et 18% du PIB global en 2060, la Chine et l'Inde représenteront ensemble près de l'économie planétaire, affirme l'OCDE.

La zone euro, quant à elle, verra son poids quasiment divisé par deux, à 9%, tandis que les États-Unis glisseront de 23% en 2011 à 16% et le Japon passer de 7 à 3%.

Quoi faire?

En scrutant leur boule de cristal, Schroder et l'OCDE ne voient pas un avenir tout en noir, au contraire. Mais il faudra faire les choses autrement.

«La crise (qui s'annonce) est une occasion de nous sensibiliser au concept du développement durable», affirme Schroder, qui propose aussi des pistes de développement.

Ces solutions sont pour la plupart bien connues: les gouvernements doivent recourir à des politiques fiscales qui encouragent, entre autres, la construction de maisons plus petites, l'usage du transport en commun ou encore une consommation plus modérée d'aliments.

Un tel scénario n'est pas dépourvu de sens au plan économique, ajoute Schroder. Car les investisseurs seront davantage tentés de miser sur les meilleurs projets éco-responsables, encourageant les entreprises qui innovent et qui gaspillent moins les ressources naturelles. D'où la naissance d'un nouveau modèle économique.

Dans son étude, l'OCDE revient aussi sur des solutions connues visant à aider les pays riches à s'adapter à la nouvelle réalité mondiale.

«À mesure que les pays émergents (...) occuperont une place majeure dans le paysage économique global, nous serons confrontés à de nouveaux défis pour garantir à tous un monde prospère et durable, disait le secrétaire général de l'organisme, Angel Gurria, en commentant l'étude récemment. «L'éducation et la productivité devront être partout des priorités, car ce seront les principaux moteurs de la croissance».

Encore des «paroles creuses? Pas nécessairement.

L'OCDE a fait ses calculs. Il en ressort que des réformes énergiques pourraient accroître les niveaux de vie sur la planète de 16% en moyenne au cours des 50 prochaines années par rapport au scénario prévisionnel utilisé. Autrement dit, si l'on corrige le tir, le monde s'en portera mieux, à tous points de vue.