Les chiffres sur l'état du marché du travail le mois dernier seront sans doute déterminants pour le dernier droit de l'élection présidentielle américaine.

Les prévisionnistes s'attendent à une augmentation de 125 000 salariés non agricoles en octobre. Ce serait alors une dizaine de milliers de plus qu'en septembre.

Il s'agit d'une prévision prudente qui reflète le fait que les entreprises licencient moins depuis quelques mois. La semaine dernière, on a dénombré quelque 363 000 demandes initiales d'assurance chômage. C'est énorme, mais un peu moins cependant que ce à quoi les experts s'attendaient.

Licencier moins ne signifie pas pour autant embaucher, toutefois. On a aussi appris hier que les coûts unitaires de main-d'oeuvre ont diminué de 0,1% au troisième trimestre, en dépit d'une augmentation de 1,8% de la masse salariale.

Bref, les entreprises sont parvenues à augmenter encore la productivité de leurs effectifs et les embauches massives ne sont pas encore à l'ordre du jour.

On craint de plus en plus les effets néfastes du mur budgétaire (fiscal cliff) sur lequel la classe politique a choisi de foncer plutôt que de travailler à l'aplanir.

Sans entente au Congrès, les coupes budgétaires aveugles jumelées à des hausses automatiques d'impôts pourraient retrancher jusqu'à quatre points de pourcentage à la croissance à l'économie américaine. Cela incite les entreprises à la prudence en matière d'embauches et d'investissements.

Les entreprises sont conscientes que les résultats du scrutin de mardi ne modifieront peut-être pas assez la composition du Congrès (représentants et sénateurs) pour permettre une résolution rapide de l'impasse.

L'addition de 125 000 salariés est en principe insuffisante pour diminuer le taux de chômage sur lequel les yeux seront rivés ce matin, à quatre jours du scrutin. Ses résultats sont encore imprévisibles, tant la lutte est serrée entre Barack Obama et Mitt Romney.

En septembre, le taux de chômage était miraculeusement passé sous la barre des 8%, ce qui avait provoqué une sortie déplacée de Jack Welch. L'ex-patron de General Electric et figure républicaine influente avait accusé le Bureau of Labour Statistics (BLS) d'avoir truqué ses données.

En diminuant de 8,1% à 7,8%, le taux des demandeurs d'emploi revenait exactement au niveau de février 2009. C'est le moment où le président sortant s'était installé à la Maison-Blanche alors que la Grande Récession allait faire rage encore jusqu'en juin et éliminer quelques millions d'emplois de plus.

Un recul mensuel de trois dixièmes de point n'est pas compatible avec l'addition de 114 000 emplois seulement.

Aux États-Unis, la variation du nombre de salariés et du taux de chômage est mesurée par deux enquêtes distinctes publiées simultanément par le BLS du département du Travail.

La plus observée des deux est celle portant sur le nombre de salariés non agricoles, menée auprès d'un échantillon représentatif d'entreprises, bien qu'elle fasse l'objet de constantes révisions mensuelles.

C'est toutefois celle menée auprès d'un échantillon de ménages, l'équivalent de l'Enquête sur la population active (EPA) menée par Statistique Canada, qui fournit les données sur le taux de chômage. La volatilité mensuelle de cette enquête est considérable tout comme ses variations mensuelles.

Or, les résultats de septembre ont toutes les apparences d'une anomalie statistique. Ils faisaient état de la création de non pas 114 000 emplois, mais de 873 000!

Il s'agissait du nombre le plus élevé en une décennie, deux fois plus grand que l'augmentation considérable, voire improbable, de la population active, c'est-à-dire celle qui, âgée de 16 ans et plus, détient ou cherche activement un emploi.

Ces chiffres sont d'autant plus suspects qu'une première estimation de l'expansion de l'économie au troisième trimestre montrait un rythme annuel de 2% seulement.

Une correction est donc à prévoir ce matin qui pourrait faire regrimper le taux de chômage à 8,0%, même si les prévisionnistes tablent plutôt sur une augmentation d'un dixième seulement, à 7,9%.

On dit parfois que, quand les économistes se trompent d'un dixième, c'est qu'ils font de l'humour. Pour les statisticiens, peut-être que cela signifie faire ou défaire un président.