La zone euro a lancé officiellement lundi sa principale arme anti-crise, le Mécanisme européen de stabilité (MES) de 500 milliards d'euros, alors que l'Espagne reste au centre des interrogations sur la nécessité ou non d'un plan de sauvetage global du pays.

Réunis à Luxembourg, les ministres des Finances des 17, par ailleurs gouverneurs du MES, ont signé l'acte de naissance de cet instrument financier.

«Le lancement du MES constitue une étape historique dans la construction de l'Union monétaire, la zone euro est désormais pourvue d'un pare-feu permanent et efficace», s'est félicité le chef de file de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, lors d'une conférence de presse.

L'agence d'évaluation financière Fitch a aussitôt attribué au MES la note triple A, la plus élevée, qui permet d'emprunter sur les marchés aux meilleurs taux.

Le mécanisme prendra à terme la relève du Fonds de secours actuel, le FESF. Les deux instruments vont cohabiter jusqu'en juin 2013, ce qui permettra un temps de cumuler leur capacité de prêts pour atteindre 70O milliards d'euros.

Cet instrument permanent est stratégique, car il pourra servir à recapitaliser directement les banques de la zone euro, sans alourdir la dette des États. À condition toutefois que les Européens mettent en place un mécanisme commun de supervision bancaire, prévu au mieux début 2013.

La possibilité de recapitaliser directement les banques intéresse au plus haut point l'Espagne, qui a obtenu en juin une ligne de crédit de 100 milliards d'euros de la zone euro pour aider ses banques en difficulté.

Mais l'Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande --les durs de la zone euro-- ont récemment laissé entendre que cela ne s'appliquerait pas aux banques déjà en difficulté avant l'entrée en vigueur du mécanisme.

Le ministre irlandais des Finances, Michael Noonan, a indiqué qu'il doutait que ce point soit éclairci lundi. Mais «la politique décidée le 29 juin par les dirigeants est celle qui prévaut», a-t-il insisté.

Concernant Madrid, les ministres devaient examiner les mesures d'austérité récemment décidées par le gouvernement, alors que la nécessité pour le pays de demander une aide globale pour son économie fait débat.

«L'Espagne n'a pas besoin d'aide. C'est ce que le gouvernement espagnol ne cesse de répéter», a souligné le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. «L'Espagne n'a besoin d'aucune aide en ce moment», a renchéri le Luxembourgeois Luc Frieden.

Le Français Pierre Moscovici est sur une autre ligne. «Nous respectons la souveraineté de ce grand pays qu'est l'Espagne, mais nous sommes prêts à répondre à toute initiative qui serait prise», a-t-il déclaré à la presse.

Madrid freine depuis des mois, par crainte de se voir imposer de nouvelles conditions en échange d'un sauvetage. Ses taux d'emprunt flambaient il y a plusieurs semaines, mais ils se sont fortement détendus grâce aux mesures anti-crise annoncées par la Banque centrale européenne début septembre.

À la veille de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel à Athènes, la zone euro ne devait pas non plus prendre de décision concernant la Grèce, a prévenu M. Juncker. Elle devait se contenter de faire un état des lieux des finances publiques et des négociations entre Athènes et ses principaux créanciers sur son programme d'économies budgétaires.

Aucun accord n'est intervenu ce week-end sur ce programme, qui est un préalable au déblocage d'une nouvelle tranche d'aide de 31,5 milliards d'euros. Les négociations ont été suspendues et doivent reprendre dans la semaine.

Vendredi, le premier ministre grec Antonis Samaras avait reconnu que son pays ne pourrait tenir que «jusqu'à la fin novembre», car «après, les caisses sont vides».

À Nicosie, où il était en visite lundi, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a exhorté les Chypriotes à parvenir rapidement à un accord sur le plan de sauvetage financier, alors que les négociations piétinent. La petite île a demandé l'aide de l'UE et du FMI pour redresser son économie, mais bute elle aussi sur les conditions.