Conspuée dans les manifestations ou lors du match de football Allemagne-Grèce de l'Euro 2012, parfois caricaturée en nazi dans la presse tabloïd grecque, Angela Merkel va tenter, mardi à Athènes, d'apaiser les tensions exacerbées entre les deux pays par la crise de la dette.

Mme Merkel, qui vient en Grèce pour la première fois depuis le début de la crise, veut «exprimer son soutien au gouvernement grec pour les réformes ambitieuses» qu'il a déjà ou va mettre en oeuvre, a indiqué lundi Steffen Seibert, le porte-parole du gouvernement allemand qui a exprimé son «respect» pour les «durs sacrifices» consentis par les Grecs.

Côté grec, le porte-parole du gouvernement a estimé que la visite de Mme Merkel était un «message de confiance» dans la capacité de la Grèce à se redresser et à rester dans l'euro.

Alors qu'une première manifestation anti-austérité a réuni près de 3.000 personnes dans le centre d'Athènes lundi soir, ces mots d'apaisement suffiront-ils à panser les blessures des Grecs soumis depuis trois ans à une cure d'austérité draconienne et à une tutelle internationale de plus en plus serrée, dont ils rendent largement responsable l'austère chancelière?

Les Grecs, dont les revenus fondent sous l'effet des coupes appliquées sur leurs salaires et retraites et des hausses d'impôts, souffrent d'être qualifiés de menteurs, feignants, voleurs dans la presse populaire allemande, alors que le seul résultat tangible pour eux de cette politique est une aggravation de la récession qui dure depuis cinq ans.

Aucune indication n'a été donnée lundi de part et d'autre sur des cadeaux plus concrets que pourrait annoncer la chancelière pour encourager la Grèce et son économie moribonde.

Témoin de la désespérance sociale, lundi soir, une affiche portant une citation inspirée de Brecht était apposée en face du parlement, sur fond des couleurs du drapeau allemand: «Angela ne pleure pas, il n'y a plus une miette de pain dans le placard».

En Allemagne, depuis des mois, la presse a volontiers joué la dramatisation.

Le journal le plus lu du pays, Bild, a mené depuis deux ans une véritable campagne sur «la faillite grecque», plaidant pour une sortie de la zone euro du pays, accusé de pomper les ressources des Allemands.

À coup de titres très violents: «Cliques, gangs familiaux, corruption, ainsi fonctionne le système grec». Ou provocateurs: «vendez donc vos îles... et l'Acropole avec». «Si nous devons encore aider les Grecs avec des milliards d'euros, ils doivent donner quelque chose en échange».

En Grèce, l'enseigne de la Banque centrale de Grèce est régulièrement taguée et remplacée par l'expression «Banque de Merkel». Le drapeau allemand a été brûlé en marge de certains défilés.

Se sont également réveillées dans un pays où la résistance face aux nazis a été farouche et où la population a particulièrement souffert des privations de vieilles revendications de remboursement d'un emprunt nazi obligatoire.

Le chef de la task force européenne chargée de jouer le «bon flic» européen à Athènes aux côtés de la troïka «méchant flic», l'Allemand Horst Reichenbach, a fait les frais du sentiment anti-allemand, son véhicule et son domicile ayant subi des actes de vandalisme, revendiqués par un groupe grec, à Potsdam (nord-est) en mai.

L'été dernier, les Allemands ont eu tendance à bouder la Grèce selon les voyagistes, après des mois de tensions et malgré les efforts de la Commission européenne qui a financé des séjours de journalistes grecs dans le pays de Kant, et de journalistes allemands dans celui de Platon.

Devant un risque réel de voir le pays quitter l'euro, ce qui affecterait lourdement les exportateurs allemands, l'Allemagne réalisant une partie non négligeable de son excédent commercial dans les pays comme la Grèce, le ton a commencé à changer depuis l'accession au pouvoir d'Antonis Samaras qui, comme la chancelière, appartient à la famille conservatrice.

En Allemagne, Bild s'est fait moins radical, consacrant même, à l'occasion de la visite de M. Samaras à Berlin, des reportages aux difficultés des Grecs face à l'austérité tandis qu'Angela Merkel multipliait les déclarations de sollicitude. «Mon coeur saigne», a-t-elle notamment dit, à propos des sacrifices imposés au peuple grec.

Conscients des tensions, les dirigeants allemands rappellent constamment que les décisions visant la Grèce ne leur appartiennent pas en propre, qu'elles sont le fruit d'un travail collégial.

Dimanche, le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a rappelé que le voyage de la chancelière n'avait pas pour objectif qu'elle évoque «ce sur quoi la troïka doit se prononcer».

La crise intensifie aussi certains liens: le marché du travail allemand attire les jeunes Grecs diplômés et polyglottes désireux de quitter un pays où plus de 50% des moins de 25 ans sont au chômage.

Mais la relation germano-grecque reste fragile d'autant que la troïka et notamment le FMI, inquiet de la soutenabilité de la dette grecque à terme, insistent pour la poursuite d'efforts d'austérité draconiens, alors que la Grèce, où le parti néo-nazi Aube dorée est en pleine forme dans les sondages, réclame quatre ans pour les mener à bien au lieu de deux.

Mardi, quelque 6500 policiers ont été mobilisés dans un dispositif policier identique à celui utilisé en 1999 lors d'une visite controversée du président américain de l'époque, Bill Clinton.