Un jour seulement après la présentation d'un budget d'austérité pour 2013, l'Espagne a estimé vendredi que ses banques ne pourraient demander finalement que 40 milliards d'euros à la zone euro, une annonce saluée à Bruxelles et qui pourrait ouvrir la voie au sauvetage du pays.

L'audit, supervisé par le cabinet américain Oliver Wyman, a révélé des besoins de 59,3 milliards d'euros, un montant qui descend à 53,7 milliards si l'on tient compte des processus de fusion en cours et de certains effets fiscaux.

Mais le chèque que signera la zone euro devrait être bien moindre: «Cette aide pourrait être significativement inférieure» aux besoins identifiés, car une partie de l'argent pourra être trouvée par d'autres biais, comme des cessions d'actifs, ont assuré le ministère de l'Économie et la Banque d'Espagne.

«Nous parlerions d'un chiffre d'environ 40 milliards d'euros», a précisé le secrétaire d'État à l'Économie Fernando Jiménez Latorre en conférence de presse.

Sur les 14 banques testées (90% du secteur), celle qui aura le plus besoin d'argent est Bankia, déjà placée sous tutelle publique et dont les nécessités sont évaluées à 24,7 milliards.

Trois autres banques nationalisées ont des besoins en capitaux importants: Catalunyabank (10,8 milliards), NovacaixaGalicia (7,2 milliards) et Banco de Valencia (3,5 milliards).

Au contraire, sept, dont les plus importantes du pays comme Santander ou BBVA, sont en revanche suffisamment capitalisées.

L'annonce a été bien accueillie par Bruxelles, le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, se disant «rassuré» par le chiffre dévoilé, tandis que l'Autorité bancaire européenne (EBA) a salué «un pas important» pour le secteur.

La directrice du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde s'est elle aussi réjouie du résultat, «qui contribuera à construire un système bancaire plus solide, ce qui aidera à relancer le crédit et stimuler la croissance et l'emploi».

Mais pas sûr que le marché soit lui aussi rassuré: le chiffre présenté «est légèrement inférieur à ce que les marchés attendaient», même si «ce n'est pas une vraie surprise», a commenté Craig Erlam, analyste chez Alpari.

Selon lui, la prochaine étape est «le sauvetage (du pays), qui paraît désormais inévitable».

Beaucoup d'analystes jugent en effet imminente la demande d'aide du pays, quatrième économie de la zone euro.

Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a déjà franchi une étape importante vers cette probable demande en dévoilant jeudi un budget de rigueur visant à réduire le déficit de 39 milliards d'euros, accompagné d'un plan de 43 réformes négocié avec Bruxelles... ou l'art de remplir, avant l'heure, les conditions qui pourraient être demandées en échange de l'aide.

«Nous suspectons Rajoy d'espérer que ces nouvelles mesures seront suffisantes pour éviter qu'on lui impose des conditions encore plus dures quand l'Espagne demandera le sauvetage», estime la maison d'analyse Moneycorp.

Malgré tout, le sauvetage financier du pays n'est «ni plus proche ni plus éloigné», a assuré récemment le ministre de l'Économie Luis de Guindos.

Mais les marchés, impatients, font monter la pression: le taux d'emprunt à 10 ans du pays, qui s'était détendu cet été avec l'annonce de mesures de soutien de la Banque centrale européenne (BCE), avoisinait vendredi les 6%, niveau jugé insoutenable à long terme, et la Bourse madrilène a fini en baisse de 1,71%.

Car pour déclencher l'action de la BCE, l'Espagne doit d'abord faire appel aux fonds de secours européens: même si Mariano Rajoy semble désormais accepter enfin l'éventualité, il n'a pas fait de demande officielle.

«Nous pensons que l'Espagne sera au bout du compte forcée» de faire cette demande, «mais il pourrait se passer encore plusieurs semaines avant une intervention», estime Deutsche Bank, pour qui «la limite absolue est fin octobre», quand le pays devra rembourser une échéance de 30 milliards d'euros d'un coup.

Sur sa tête plane aussi une menace, celle de Moody's, qui pourrait être la première agence de notation à placer le pays en catégorie spéculative, véritable repoussoir pour les investisseurs: son verdict est attendu vendredi.