Quand Londres a coiffé Paris et Madrid au fil d'arrivée en 2005 pour organiser les Jeux olympiques d'été de 2012, l'économie mondiale roulait à fond de train, aucun pays ne parlait de quitter l'Union européenne et l'expression «crise économique» faisait référence aux années 30.

Sept ans - et 11 milliards de livres sterling (17 milliards de dollars CAN) en fonds publics- plus tard, Londres accueille les meilleurs athlètes au monde dans un contexte économique fort différent qu'à l'époque de sa mise en candidature. Si bien qu'aujourd'hui, les contribuables britanniques, qui commencent à subir les conséquences des mesures d'austérité du gouvernement de David Cameron, n'auraient probablement pas les reins assez solides financièrement pour soutenir une candidature olympique.

«Londres ne présenterait probablement pas sa candidature au beau milieu d'une crise financière», dit l'avocat montréalais Richard Pound, l'un des deux membres canadiens du Comité international olympique (CIO). «Ce serait extrêmement surprenant si l'Angleterre tentait le coup aujourd'hui, dit Peter Grant, professeur d'administration à la City University de Londres et spécialiste des mécanismes d'octroi d'argent public. Il y aurait trop de pression sur les gouvernements pour reculer. Alors que tout le monde se serre la ceinture, les gouvernements voudraient accueillir le plus gros party au monde?»

Avec la crise économique en Europe et l'état des finances publiques aux États-Unis, le modèle économique des Jeux olympiques est remis en question. «D'un point de vue des finances publiques, vous n'avez pas le choix de conclure qu'un événement de deux semaines ne peut pas justifier de tels coûts», dit John Macomber, professeur de finances à l'Université Harvard.

Va pour le budget d'opération du comité organisateur des Jeux de Londres - 2 milliards de livres sterling -, qui est défrayé pour la plupart par les revenus privés, notamment les droits de télé du CIO et la vente de billets. Ce sont plutôt toutes les autres dépenses olympiques - les sites, la sécurité, les infrastructures de transport - qui sont pointées du doigt pour l'escalade des coûts. Des dépenses payées en grande majorité par les contribuables.

À Londres, les gouvernements devaient payer au départ 2,37 milliards de livres sterling. Le budget gouvernemental a été augmenté à 9,3 milliards de livres sterling deux ans plus tard en 2007, notamment à cause des coûts de sécurité. En mars dernier, le Parlement britannique a estimé que la facture des contribuables serait plutôt de 11 milliards de livres sterling. Rien à voir avec la quarantaine de milliards de dollars US défrayés par Pékin en 2008. Mais la Grande-Bretagne veut éliminer son déficit (95 milliards de livres sterling en 2012-13) d'ici quatre ans avec des mesures d'austérité.

«Si vous n'avez pas besoin de ces sites et des infrastructures après les Jeux, ne les construisez pas ou ne posez pas votre candidature», dit Richard Pound, membre du CIO. Pour réduire les coûts, le mouvement olympique est ouvert à l'idée de sites temporaires, comme le stade principal des Jeux d'hiver d'Albertville en 1992. «La France n'avait pas besoin d'un stade de 40 000 sièges en beau milieu des Alpes alors elle a construit un stade temporaire pour 60% du prix d'un stade permanent», dit Richard Pound, qui a terminé quatrième à la natation aux Jeux de Rome en 1960 et troisième au scrutin pour élire le président du CIO en 2001.

En contrepartie, les exemples de mauvaise gestion olympique sont nombreux. Richard Pound se rappelle le Stade olympique de Montréal, «construit pour le soccer et l'athlétisme alors qu'il n'y avait pas d'équipe de soccer ni de compétitions d'athlétisme à Montréal.» Plus récemment, les Jeux olympiques ont contribué - modestement, mais tout de même - à la crise financière en Grèce. Plusieurs sites olympiques à Pékin, dont les deux principaux (le Nid d'oiseau et le Cube d'eau), sont peu utilisés à peine un cycle olympique plus tard.

«Vous pouvez perdre beaucoup d'argent comme en Grèce si vous devez tout faire à la dernière minute, dit Richard Pound. Ce qui coûte cher dans la construction, ce sont les travaux de dernière minute. La situation en Grèce est une mauvaise affaire pour le CIO. Et c'est une semi-mauvaise affaire aussi pour le CIO que ces sites de Pékin ne soient pas utilisés régulièrement.»

Richard Pound fait aussi valoir que certains coûts afférents aux Jeux - notamment la sécurité - seraient dépensés de toute façon. «Beaucoup de ces coûts de sécurité sont des coûts fixes (ex: salaires des policiers). Vous devez les payer de toute façon, donc ce n'est pas vraiment des coûts supplémentaires», dit-il.

Bénéfices olympiques intangibles

Tandis que les coûts de l'aventure olympique sont réels et chiffrés au centime, ses bénéfices sont intangibles et plus difficiles à mesurer. «Aucune étude n'a pu déterminer avec certitude qu'il y avait assez de retombées économiques et touristiques pour justifier les coûts», dit Allison Stewart, une étudiante montréalaise qui fait son doctorat sur la gestion des Jeux olympiques à l'Université d'Oxford.

«C'est peu probable que les Jeux olympiques amènent des bénéfices économiques directs, dit Peter Grant, professeur d'administration à la City University de Londres et spécialiste des mécanismes d'octroi d'argent public. Si l'économie s'améliore après les Jeux, est-ce vraiment à cause des Jeux? C'est difficile à prouver avec certitude. Chose certaine, aucune compagnie étrangère ne fera un investissement à Londres à cause des Jeux.»

Selon Richard Pound, l'un des grands legs des Jeux de 2012 sera la revitalisation du quartier est de Londres. «Les Britanniques essaient de développer East London pendant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, mais il n'y a jamais eu tout l'appui politique nécessaire, dit-il. Au cours des sept dernières années, il y a eu plus de progrès dans East London qu'en 60 ans après la guerre. Quand vous organisez les Jeux, vous avez sept ans. Ça oblige les politiciens à se concentrer sur l'objectif, peu importe les changements d'allégeance politique.» Le professeur Peter Grant analyse la situation d'East London différemment. «Les Jeux auront accéléré la renaissance du quartier, mais elle aurait eu lieu de toute façon», dit-il.

11 ou 24 milliards de livres sterling?

Les élus britanniques pensent que les Jeux coûteront finalement 11 milliards de livres sterling aux contribuables. Selon le tabloïd britannique Daily Mail, les Jeux de Londres coûteront plutôt... le double! À 11 milliards prévus par les élus britanniques, le Daily Mail ajoute 1,1 milliard pour la lutte contre le terrorisme, 4,4 milliards pour la sécurité et 6,5 milliards pour de nouvelles infrastructures de transport.