Des responsables de la Banque centrale européenne ont enfoncé le clou vendredi, appelant les États et les banques à résoudre eux-mêmes leurs crises respectives, au lendemain d'une réunion qui a déçu les marchés faute de nouvelles mesures radicales.

Intervenants vedettes de la première journée des traditionnelles Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le membre du directoire de la BCE Benoît Coeuré et le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer ont précisé le message de l'institut de Francfort.

«Les capacités d'intervention des banques centrales sont naturellement limitées», a d'abord lancé Christian Noyer, également membre du Conseil des gouverneurs de la BCE. «Elles peuvent remédier aux dysfonctionnements temporaires des marchés» et «elles l'ont fait avec une ampleur jamais égalée dans l'Histoire», a-t-il rappelé.

Mais, a-t-il prévenu, «elles ne peuvent pas se substituer en permanence aux marchés financiers et aux banques pour remplacer une intermédiation financière qui serait défaillante».

Il répondait ainsi implicitement à la déception des investisseurs, qui espéraient jeudi voir la BCE prêter à nouveau des liquidités massives aux banques à très faible coût.

Son compatriote Benoît Coeuré a dès lors appelé à la mise en place «urgente» d'un superviseur unique des banques de la zone euro, principal impératif aux yeux de l'institut monétaire.

«Il faut que ça aille le plus vite possible» car «c'est une réponse à la crise», a-t-il affirmé, demandant aux gouvernements et à la Commission européenne de créer les «premiers éléments» de ce mécanisme de contrôle d'ici la fin de l'année, comme ils s'y sont engagés le 29 juin.

Selon lui, «c'est d'autant plus urgent» que cela «conditionne» la recapitalisation directe des banques par le futur fonds de secours de la zone euro, le Mécanisme européen de stabilité (MES) -- considérée comme la meilleure manière de rompre le lien entre crise bancaire et crise de la dette.

Un responsable européen a d'ailleurs affirmé vendredi que les banques espagnoles, celles qui en ont le plus vivement besoin, ne pourraient pas bénéficier d'une telle recapitalisation directe avant 2013.

Benoît Coeuré a réitéré les offres de services de l'institut de Francfort: «La BCE est prête à jouer ce rôle» de superviseur «si on lui demande». Mais «avec des conditions», a-t-il nuancé, évoquant une séparation stricte entre politique monétaire et contrôle bancaire.

Christian Noyer a aussi jugé «fondamental» le projet d'union bancaire.

Les banquiers centraux ont enfin justifié la fin de non-recevoir opposée par leur institution à une reprise des rachats de dette de l'Italie et de l'Espagne pour faire baisser leurs coûts d'emprunt en proie à une nouvelle flambée.

«Nous considérons que ça n'est pas aujourd'hui la réponse adaptée à la situation», a expliqué Benoît Coeuré, laissant la porte ouverte à de telles opérations uniquement si la politique monétaire le nécessitait.

«Les gouvernements de la zone euro ont construit le MES notamment pour intervenir sur le marché secondaire», celui de la revente d'obligations, a souligné le membre du directoire de la BCE. «Qu'ils le fassent», «il y aurait un certain paradoxe à ce que la BCE intervienne à la place des gouvernements», a-t-il martelé.

Malgré les décisions annoncées dans la douleur le 29 juin par les 17 États de la zone euro, des tiraillements sont déjà apparus, certains pays du nord de l'Europe refusant toujours de laisser le MES intervenir sans conditions strictes. Autant d'atermoiements qui ont fini par doucher l'euphorie des investisseurs.

«Après l'enthousiasme initial, les marchés ont besoin maintenant d'un peu de temps pour comprendre et digérer les décisions qui ont été prises», a analysé M. Coeuré, faisant mine de ne pas s'inquiéter outre mesure des nouvelles tensions sur les places financières.