La lune de miel de la Chine avec une croissance économique exponentielle tire à sa fin.

Le dernier bilan du secteur manufacturier, paru la semaine dernière, confirme le ralentissement de l'empire du Milieu: la production industrielle croît à son rythme le plus lent depuis le printemps 2009, soit au pire de la crise financière américaine.

La machine chinoise continuera même à décélérer cette année (croissance prévue de 8,1% contre 10,4% en 2010), contraignant Pékin à trouver des remèdes pour prévenir un ralentissement brutal, selon un rapport de la Banque mondiale publié mercredi.

Crise européenne, panne immobilière, compétitivité moindre et hausse des salaires... les causes de cette perte de vitesse sont nombreuses.

Mais n'ayez crainte, les voisins de la deuxième économie mondiale, eux, se portent plutôt bien.

Dans l'ombre du Dragon chinois, l'économie globale des 10 pays de l'ANASE, y compris la Mongolie, devrait croître de 5,2% cette année, soit une «accélération» de 1% par rapport à l'an dernier, prévoit la Banque mondiale.

Cette performance reposera en bonne partie sur les travaux de reconstruction en Thaïlande, après les inondations de 2011, mais aussi et surtout sur la consommation étonnamment vigoureuse dans cette région.

Plus riches que les Indiens

L'ANASE (Association des nations du Sud-Est asiatique) chapeaute des pays comptant quelque 600 millions de personnes (deux fois celle des États-Unis). Ses membres sont le Brunei Darussalam, la Birmanie (Myanmar), le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.

La population de ce vaste territoire est la moitié de celle de l'Inde, l'autre bolide du BRIC souvent appelé à prendre la relève de la Chine sur le plan de la croissance.

Or, l'Inde connaît aussi sa part de problèmes économiques ces temps-ci. De plus, le PIB par habitant au sein de l'ANASE (mesuré à la parité du pouvoir d'achat) est nettement supérieur à celui des Indiens, soit 5500$US contre 3700$US respectivement. Autrement dit, ce coin de l'Asie repose sur des assises financières plus solides.

L'Indonésie: la nouvelle Chine

Les économistes préviennent que les membres de l'ANASE ne sont pas à l'abri d'une aggravation de la crise européenne, qui ébranlerait toute la planète. Mais cette région peut compter sur un bon coussin pour amortir le choc. «Ils (l'ANASE) sont très compétitifs et nous prévoyons une solide demande domestique dans ces économies», affirme Frederic Neumann, de la Banque HSBC.

Sans contredit le moteur du groupe, c'est l'Indonésie.

Quatrième pays le plus peuplé du monde, avec 240 millions d'habitants, cet énorme archipel affiche une croissance économique moyenne supérieure à 6% par an grâce à ses exportations, ce qui nourrit la consommation.

Du coup, l'Indonésie voit grandir sa classe moyenne: avec 50 millions de personnes, celle-ci dépasse déjà celle de l'Inde et atteindra les 170 millions d'ici 2020, selon la banque britannique Standered Chartered

La consommation génère déjà plus de la moitié de l'activité économique, rendant le pays moins dépendant des exportations et, donc, de la demande européenne.

L'Indonésie figurera même «parmi les 10 plus grandes puissances en 2020 et les 6 en 2030», prédit Standered Chartered.

La ruée des banques

Aussi, le monde de la finance a pris bonne note de ce qui se passe. Les banques étrangères ratissent les rues de Jakarta, depuis un an ou deux, dans le but d'y installer une tête de pont en vue d'une expansion majeure. Et pour cause.

L'Indonésie, surnommée en Asie le «Dragon de Komodo», dénombre pas moins de 60 millions d'habitants... qui n'ont pas de compte bancaire! Le rêve de tout banquier.

D'ici 2050, les actifs bancaires détenus au pays auront pourtant été multipliés par 27 par rapport à 2009, à 5100 milliards US, prédit le cabinet PricewaterhouseCoopers.

Début avril, la singapourienne DBS, première banque d'Asie du Sud-Est, a confirmé le potentiel de ce marché en annonçant l'achat de l'indonésienne Danamon pour 7,3 milliards US - un montant record pour l'Indonésie.

D'autres établissements étrangers placent aussi leurs pions: la Commonwealth Bank of Australia a doublé l'an denier son réseau de succursales au pays; auparavant, la britannique HSBC a racheté l'indonésienne Bank Ekonomi Raharja.

Mais alors les problèmes de la Chine, de l'Inde ou du Japon? Certes, cela demeure une menace. Pour tout le monde. Mais beaucoup de banquiers et d'industriels ont peu de temps d'y penser ces jours-ci, trop occupés qu'ils sont à explorer «l'autre Asie».