Foi de Warren Buffett, les journaux ne mourront pas. Enfin, pas les 63 journaux locaux du sud-est des États-Unis que son conglomérat Berkshire Hathaway vient d'acheter hier pour 142 millions US.

Déjà propriétaire du Buffalo News, du Omaha World-Herald et de 27% du Washington Post, Berkshire Hathaway a acheté les 63 journaux et hebdos de Media General, dont le Richmond Times-Dispatch en Virginie.

Ordinairement, l'achat d'un groupe de journaux méconnu du sud des États-Unis ne fait pas les manchettes partout dans le monde. Mais cette transaction implique l'Oracle d'Omaha, qui investit par surcroît dans une industrie connaissant son lot de difficultés.

«C'est un vote de confiance, mais pas pour tous les journaux. M. Buffett a acheté des journaux locaux qui ont un monopole dans des villes en croissance», dit Edward Atorino, analyste financier à la firme new-yorkaise Benchmark Capital, en entrevue à La Presse Affaires.

Malgré les difficultés économiques des journaux, la décision de Warren Buffett n'est pas étonnante: l'investisseur le plus célèbre du monde avait annoncé ses couleurs il y a deux semaines au cours de l'assemblée annuelle de Berkshire Hathahway. «Nous voulons acheter davantage de journaux. Nous pensons que le modèle économique des journaux sera OK», a dit Warren Buffett, 81 ans, qui a travaillé comme camelot pour des journaux durant son enfance.

Pour Berkshire Hathaway, qui valait 200 milliards US en Bourse après que son action A ait perdu 0,8% de sa valeur hier, l'investissement d'hier est modeste (142 millions US, en plus d'un prêt de 445 millions US). «C'est de l'argent de poche», dit l'analyste financier Edward Atorino, qui n'est pas aussi optimiste à propos de l'avenir des journaux. «Ils n'ont pas encore touché le fond, dit-il. Il y aura encore une baisse des tirages et des revenus publicitaires.»

Des jours sombres

Au dernier trimestre, Gannett, le plus important éditeur de journaux aux États-Unis avec 82 quotidiens, dont le USA Today, a vu ses profits diminuer de 24%, passant de 179 à 136 millions US. Les revenus publicitaires ont diminué de 8,4% et les revenus tirés des ventes de journaux ont chuté de 1,8%.

La situation est à peine moins sombre au New York Times. De janvier à mars 2012, le New York Times Company, propriétaire du quotidien du même nom et du Boston Globe, a vu ses profits diminuer de 25,9 millions US à 19,6 millions US. Ses revenus ont diminué de 0,3% par rapport à la même période en 2011. Les gains dans les revenus de tirage ("9,7%) ont été annulés par le marché publicitaire difficile (-8,1%).

«Le New York Times offre un contenu unique aux États-Unis, peut-être même au monde, dit l'analyste boursier Edward Atorino. À long terme, les journaux de grandes villes comme le Chicago Tribune, le Los Angeles Times, le Boston Globe et le Dallas Morning News sont davantage menacés. On peut y trouver leurs histoires sur d'autres plateformes. Mais les journaux des petites villes comme ceux de M. Buffett ont un lectorat plus captif.»

Même scénario au Canada

Les finances des journaux ne sont pas meilleures au Canada.

Le plus important propriétaire de journaux au pays, Québecor (Journal de Montréal, Toronto Sun, hebdos régionaux et quotidiens gratuits 24 Heures), a vu les revenus de ses quotidiens urbains diminuer de 5,0% et ceux de ses journaux régionaux diminuer de 2,2% au premier trimestre de l'année 2012. Les profits de la division de médias d'information de Québecor ont chuté de 41% pour s'établir à 16,6 millions.

De son côté, Torstar, propriétaire d'une centaine de journaux dont le Toronto Star, a vu les profits des journaux diminuer de 15 à 11 millions au dernier trimestre. Les revenus publicitaires sont notamment en baisse au Toronto Star.

Dans l'Ouest canadien, FP Newspapers, qui possède deux journaux (dont le Winnipeg Free Press) et six hebdos, a vu ses revenus augmenter de 7,9% de janvier à mars 2012, mais ses profits ont diminué de 1,0 million à 800 000$.

Pour les investisseurs, valait mieux miser sur les journaux canadiens qu'américains depuis le début de l'année. New York Times Company et Gannett, deux titres américains, ont perdu respectivement 18% et 2% de leur valeur en Bourse, tandis que Torstar et FP Newspapers ont gagné respectivement 14% et 7% en Bourse.