Le dernier bilan de la production industrielle et du commerce extérieur, dévoilé la semaine dernière, confirme ce que plusieurs redoutaient: la Chine ralentit. Nettement.

Hausse moindre des exportations, importations stagnantes, perte de vitesse du secteur manufacturier... le dragon chinois semble à bout de souffle au plan économique. Les autorités ont dû annoncer, samedi, de nouvelles mesures pour favoriser le crédit bancaire et ainsi stimuler l'économie.

Mais n'ayez crainte, les grandes sociétés industrielles de la planète avaient pressenti le ralentissement chinois il y a longtemps. Si bien que plusieurs d'entre elles avaient déjà ciblé d'autres marchés pour se développer... tout en haussant leur rentabilité.

Les derniers résultats financiers de certains géants de ce monde, dont l'américain Caterpillar (équipements industriels) et le brésilien Vale SA (mines et métaux), sont éloquents à cet égard: leurs profits augmentent même s'ils proviennent de moins en moins de la Chine. Les États-Unis et les autres économies émergentes ont pris le relais.

Les multinationales s'ajustent

Caterpillar est considérée, à juste titre, comme un baromètre de la puissance industrielle américaine. Il y a quelques jours, le groupe de Peoria, en Illinois, a fait plaisir à ses actionnaires en annonçant des profits en nette hausse au premier trimestre.

La direction de Caterpillar s'est aussi vantée du rendement de l'entreprise sur le marché américain «qui compense largement pour le ralentissement en Chine».

Le responsable des relations avec les investisseurs de la compagnie, Mike DeWalt, va encore plus loin. «La Chine n'occupe pas une grande partie de nos affaires».

On a entendu des commentaires similaires de la part de Dupont, l'une des plus grandes sociétés de produits chimiques au monde. La compagnie américaine précise que ses ventes au premier trimestre ont grimpé de 30% (variation annuelle) au Moyen Orient, de 23% en Amérique latine, alors qu'elles diminuaient de 2% en Asie. Le principal problème dans ce coin du monde? La Chine. Et les profits globalement? Toujours en hausse.

Idem pour le conglomérat suisse ABB et les géants américains General Electric et United Technologies. Tous déplorent un ralentissement de leurs affaires chinoises sans que leurs résultats ne s'en ressentent trop.

«L'hémisphère ouest se porte bien, avec l'Amérique latine qui mène la marche... la croissance en Asie est faible en raison de la Chine, du Japon et des marchés des produits électroniques», rajoute pour sa part Inge Thulin, président du manufacturier multidisciplinaire 3 M, cité récemment par le Financial Times. En somme, America inc. s'adapte plutôt bien aux problèmes de la Chine.

Changement de modèle

Sans le clamer sur les toits, le monde des affaires souhaite néanmoins une intervention musclée de la part de Pékin, dont une baisse des taux d'intérêt, pour relancer la deuxième puissance mondiale. Car l'économie chinoise n'est plus, depuis plusieurs mois, ce bolide qui filait à un rythme annuel de 10% au plus et qui a sorti le monde de la crise financière 2008.

Au premier trimestre 2012, son PIB (produit intérieur brut) a crû de 8,1% - la plus faible hausse annuelle en trois ans.

Le moteur de l'économie - les exportations - a progressé de seulement 4,9% en avril. On est loin des gains «à deux chiffres» auxquels on nous a habitués par le passé.

Crise en Europe, panne du secteur immobilier domestique, hausse des salaires chinois qui rend certaines industries domestiques moins compétitives... Les causes sont nombreuses.

Or, le dernier bilan économique chinois n'est pas une surprise dans la mesure où le gouvernement avait dévoilé, fin 2011, un plan ambitieux pour rendre le pays moins dépendant des exportations et des investissements en infrastructures.

En somme, le ralentissement actuel était prévu. Inévitable.

Il confirme que la Chine est en train de changer de modèle économique. Et cela n'aura pas lieu sans douleur.

L'objectif de Pékin est d'opérer une mutation complète de l'économie vers les hautes technologies, les services et, surtout, la consommation domestique. Ces 20 dernières années, la Chine a tiré profit d'une croissance fondée sur de faibles coûts du travail, une sous-évaluation du yuan et un taux d'épargne élevé.

Mais ce modèle n'est pas suffisant pour que la Chine accède au club des pays à revenus élevés. Pékin se donne environ 15 ans pour atteindre ses objectifs. Un long chemin, parsemé d'embûches.

Il faudra donc s'y faire. Si ces réformes vont à leur terme, la Chine de 2025 n'aura plus grand-chose à voir avec celle d'aujourd'hui.