Angela Merkel ne souhaitait pas sa victoire. Mais le socialiste François Hollande, vainqueur de la présidentielle française, et la chancelière conservatrice n'ont d'autre choix que de s'entendre et pourraient même former un tandem harmonieux, estimait-on dimanche à Berlin.

En clamant son intention de renégocier le pacte budgétaire européen durant la campagne électorale en janvier, François Hollande a sans doute gagné des suffrages en France, mais il a terni son image en Allemagne.

Des journalistes l'ont jugé «populiste». Mme Merkel et son gouvernement se sont interrogés sur ses intentions réelles, craignant une remise en cause de leur politique de rigueur en Europe.

«Sa déclaration sur le traité budgétaire n'a pas été comprise» en Allemagne, où le sujet est sensible, reconnaît un diplomate. Mais un travail d'explication a été accompli, avec deux ou trois rencontres entre collaborateurs de M. Hollande et de Mme Merkel à Berlin ces dernières semaines.

Depuis, le malentendu semble levé. François Hollande a imposé une image de social-démocrate réaliste et pro-européen. «La peur de Hollande s'amenuise à la chancellerie», titrait vendredi le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Même si l'épisode n'est pas clos, chacun s'accorde que les deux moitiés du couple moteur de l'Union européenne n'auront d'autre choix qu'un compromis rapide, sous la pression des partenaires européens et des marchés financiers.

M. Hollande a déjà annoncé que son premier voyage à l'étranger serait à Berlin, très rapidement après sa prise de fonction. Il devait même appeler la chancelière dès dimanche soir, selon son conseiller spécial, Jean-Marc Ayrault.

Cet ancien professeur d'allemand est favori pour le poste de Premier ministre. Sa nomination serait très bien perçue à Berlin.

Anti bling-bling

Le goût du consensus, la capacité à forger des compromis pour rassembler, sont la marque de fabrique de Mme Merkel comme de M. Hollande. «Ils ont la même façon de préparer les décisions par de longues discussions», ce qui leur vaut des critiques similaires sur une supposée incapacité à trancher, remarque un diplomate français. «La personnalité de Hollande pourrait plutôt accommoder» la chancelière, selon lui.

Angela Merkel, qu'on peut surprendre faisant ses courses dans des supermarchés de Berlin, ne renierait pas non plus l'étiquette de «dirigeant normal» revendiquée par François Hollande. Nés à quelques semaines d'intervalle durant l'été 1954, la docteur en sciences physiques d'une université est-allemande et le diplômé de l'ENA, creuset des élites françaises, sont tous deux aux antipodes du bling-bling incarné par Nicolas Sarkozy.

«Hollande ne surprendra pas Merkel avec des idées improvisées» contrairement à Sarkozy, jugeait vendredi le quotidien des affaires Handelsblatt, rappelant les difficultés d'entente entre le président sortant et la chancelière.

Leur relation s'était seulement intensifiée à partir de l'été dernier, sous l'effet de la crise en zone euro, avec une multiplication de rencontres bilatérales et de décisions communes qui leur ont valu le surnom «Merkozy».

Mais «Merkel a-t-elle vraiment aimé Sarkozy? Je ne pense pas...» a reconnu cette semaine Ulrike Guérot, directrice du bureau berlinois du Conseil européen des relations internationales, dans une analyse.

«La chancelière n'a rien contre Hollande personnellement, si elle préférait la réélection de Sarkozy c'est essentiellement pour des raisons de politique intérieure», souligne un diplomate à Berlin. «Une victoire socialiste pourrait redonner de l'élan aux sociaux-démocrates du SPD» avant une élection régionale clef le 13 mai en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest), et à un an et demi des législatives allemandes, prévues à l'automne 2013.