Sur le chantier du parc olympique, à l'est de Londres, des camions vont et viennent entre les conteneurs tandis que des dameuses et des asphalteuses lissent les nouvelles routes entre les différents centres sportifs.

En cette journée froide de février, les 500 000 arbres, arbustes et fleurs que les architectes paysagistes ont plantés ne se sont pas encore épanouis. Forcément, cela donne un aspect un peu lunaire à ce domaine de 2,4 kilomètres carrés.

Même en sachant cela, le visiteur est d'abord frappé par la banalité des lieux. Londres souffre de la comparaison avec Pékin et ses édifices futuristes. Surtout que l'ossature du stade olympique, faite de pipelines recyclés, est encore apparente, l'édifice n'ayant toujours pas été emballé.

C'est cela, Londres? Lawrence Waterman, un des dirigeants du Olympic Delivery Authority (ODA), l'organisme à qui on a confié la construction des installations olympiques, défend le parti pris des Britanniques pour des Jeux raisonnables.

«Nous n'avions pas l'intention de concevoir des Jeux plaqués or. Cela dit, nous n'avons pas sacrifié tout ce qui est esthétique», affirme le responsable de la santé et de la sécurité de l'ODA.

Une structure se démarque: l'ArcelorMittal Orbit, du nom de l'aciériste contrôlé par l'homme d'affaires le plus riche du Royaume-Uni, Lakshmi Mittal. Créé par l'artiste Anish Kapoor, ce monument d'acier fait penser à une immense chaîne d'ADN peinte en rouge. Cette structure de plus de 114 mètres de haut avec deux plateformes d'observation est la plus grande oeuvre d'art du Royaume-Uni.

Le vélodrome se distingue aussi, avec ses murs extérieurs de bois traité au jus de betterave. Mais plusieurs des autres édifices sont quelconques. Il y a une bonne raison à cela. Plusieurs de ces constructions seront démantelées ou transformées de fond en comble dès la fin des compétitions.

Le centre de water-polo sera entièrement démonté et recyclé après les Jeux. Même chose pour l'amphithéâtre de basket-ball. Quant au centre aquatique dessiné par l'architecte Zana Hadid, il perdra ses deux ailes de côté, où se trouvent la majorité des gradins des spectateurs. On les remplacera par deux grands murs vitrés. Ainsi, la capacité du centre chutera de 17 500 à 2500 sièges.

Au total, 300 000 des sièges des installations olympiques sont temporaires. Aucune autre ville hôte n'en avait prévu autant. «Depuis le début, le mot d'ordre de l'organisation, c'est de ne pas accoucher d'un éléphant blanc, dit Lawrence Waterman. Nous ne voulons surtout pas rester pris avec quelque chose qui soit coûteux à entretenir.»

Pour autant, ce ne sont pas les Jeux de l'austérité, proteste Lawrence Waterman. Lorsque Londres a obtenu l'organisation de ces jeux d'été, en 2005, personne n'entrevoyait la crise financière. Mais disons qu'il serait de très mauvais ton de dépenser une fortune sur les Jeux au moment où le gouvernement supprime 710 000 postes, entre autres mesures pour renflouer les coffres du pays.

Si les Londoniens appuient les Jeux, c'est parce qu'ils laisseront un héritage à la ville, fait valoir à La Presse le maire de Londres, Boris Johnson.

«Les Jeux olympiques seront merveilleux pour la ville, s'enthousiasme-t-il. Ils vont nous permettre de revitaliser une vaste région de l'est de Londres, autour du quartier Stratford.»

Ce quartier ouvrier a accueilli plusieurs vagues d'immigrants au fil du XXe siècle. Mais avant que Londres ne choisisse d'y établir son parc olympique, il était particulièrement délabré. Une ancienne usine de produits chimiques, des ferrailleurs et des garages ont laissé en héritage une lourde contamination industrielle.

Londres a fait un grand ménage comme cela ne s'était jamais vu au pays. Les organisateurs ont décontaminé et récupéré 2 millions de tonnes de terre. Ils ont rasé 200 immeubles. Ils ont retiré 52 pylônes d'électricité pour faire courir les fils sous terre. Ils ont nettoyé 8 km de canaux, un lacis qui parcout et entoure le parc olympique.

De quoi rendre attrayants les plus de 2800 appartements des résidences olympiques. Une moitié a été vendue à un promoteur. L'autre sera convertie en logements à loyers modiques.

«À long terme, les Jeux olympiques seront une force puissante pour réorienter Londres vers l'est, pour amener plus d'emplois ici», dit Boris Johnson. Le maire à la célèbre tignasse blonde ambitionne aussi de lancer la construction d'un nouvel aéroport à l'est de la capitale, afin de soulager l'aéroport Heathrow, qui fonctionne actuellement à plein rendement.

Cela, c'est pour le long terme. Car l'impact économique des Jeux à plus court terme sera à peine perceptible, juge l'économiste Vicky Redwood, de Capital Economics. D'une part parce que toutes les installations sont déjà construites. D'autre part parce que personne ne s'attend à une nouvelle manne de touristes.

Contrairement à d'autres villes hôtes, Londres est déjà une destination touristique courue. En fait, plusieurs voyagistes craignent maintenant que des touristes reportent leur voyage de crainte des foules. VisitBritain, l'agence nationale de tourisme, s'attend ainsi à ce que le pays reçoive à peu de choses près le même nombre de touristes que l'an dernier, soit 30,7 millions de visiteurs de l'étranger. Ces touristes injecteront 17,6 milliards de livres dans l'économie britannique en 2012.

Il faut aussi savoir que même si les organisateurs ont invité les hôteliers à ne pas abuser de la situation, certains ne se gênent pas pour réclamer des tarifs prohibitifs. Le prix d'une nuitée durant les 19 jours de compétition frise les 400 livres en moyenne, soit plus de 630$.

Des Londoniens en profitent pour fuir leur ville et louer leur appartement. C'est d'ailleurs l'un des rares sujets olympiques qui les animent, à 100 jours de la cérémonie d'ouverture. Est-ce parce que c'est la troisième fois que Londres accueille les Jeux olympiques? À se promener dans la ville, l'effervescence olympique est difficilement palpable. Mais c'est peut-être le prix à payer pour des jeux raisonnables.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca