Dans l'économie mondiale globalisée où tous les pays se disputent le commerce international et l'investissement direct étranger, le monde se divise entre des pays développés et industrialisés d'un côté, et des pays qui sont en voie de développement et d'industrialisation, de l'autre.

Dans cette seconde catégorie, la majorité du discours sur la course à la suprématie globale porte sur les grandes économies en développement, souvent regroupées dans l'acronyme ABRIC (Afrique du Sud, Brésil, Russie, Inde, Chine).

Les pays en voie de développement peuvent être également sous-divisés en deux catégories: «en rattrapage» ou «en retard», lorsqu'ils se comparent aux pays développés. Les pays «en rattrapage» réussissent leur industrialisation et renvoient, par exemple, aux économies asiatiques nouvellement industrialisées. Les pays «en retard» ne réussissent pas leur industrialisation et englobent la plupart des pays sans littoral et moins développés de l'Afrique subsaharienne, ainsi que la plupart des petits États insulaires en développement (PEID).

Risque de marginalisation

Les Nations unies décrivent les PEID comme étant plus soumis au risque de marginalisation de la part de l'économie mondiale que d'autres pays en voie de développement. Ceci est dû à la combinaison de conséquences défavorables découlant de leur petite superficie, de leur éloignement des grands marchés, de leur manque de ressources naturelles et de leur grande vulnérabilité économique aux chocs naturels et financiers.

En s'engageant dans l'investissement direct étranger manufacturier, les entreprises multinationales demeurent la voie la plus rapide et efficace pour les pays en retard d'accéder à la technologie nécessaire à l'industrialisation et au rattrapage.

Multinationales

Les entreprises multinationales basées sur l'industrie manufacturière, contrairement à celles basées sur les services et l'extraction des ressources, entraînent la forme la plus structurée de transfert de technologie pour l'industrialisation puisqu'elles introduisent l'apport de capitaux et de savoir-faire technique, l'équipement, la gestion, le marketing et autres habiletés. Cependant, les coûts d'entrée dans cette industrie peuvent être élevés. C'est pour cela que les pays dits «en retard» tendent à cibler l'industrie textile où ces coûts sont moins prohibitifs.

Un exemple de PEID capable d'attirer l'investissement direct étranger et d'augmenter le volume de ses exportations par ce procédé est l'île Maurice. Avant l'OMC, les anciennes colonies européennes, comme l'île Maurice, bénéficiaient de deux avantages. Premièrement, l'accès préférentiel au marché européen sous la forme d'accès hors taxes privilégié, accordé aux produits textiles sous l'Accord de Cotonou; deuxièmement, la protection contre les grands pays en voie de développement, exportateurs de textile, sous l'Accord multifibres (AMF).

L'AMF, établi en 1973, imposait un système élaboré de quotas limitant l'exportation des produits textiles à partir des pays en voie de développement du Sud et de l'Est asiatique vers les marchés européen et nord-américain. Pour contourner cette restriction des quotas, tout en bénéficiant de l'accès préférentiel au marché européen, plusieurs investisseurs asiatiques ont transféré leurs usines à l'île Maurice en s'engageant dans l'investissement direct étranger.

L'industrie du textile

Ce procédé, encouragé par de bonnes institutions mauriciennes et l'esprit entrepreneurial local émergeant, a mené au développement florissant de l'industrie textile locale concentrée sur l'exportation.

La course mondiale au commerce et à l'investissement direct étranger sont supervisés par l'OMC qui détermine les règles du jeu pour tous ses pays membres. Sous l'OMC, l'Accord de Cotonou et l'AMF furent démantelés en 2005, mettant tous les pays au même niveau de compétition pour l'investissement direct étranger et le commerce du textile. Ce démantèlement a entraîné le départ de la plupart des investisseurs asiatiques de l'île Maurice pour regagner leur pays d'origine.

La même tendance fut observée dans plusieurs pays en retard d'Afrique. Puisque les entrepreneurs mauriciens locaux ont activement investi dans l'amélioration des capacités de leurs entreprises textiles, une stratégie de survie parmi tant d'autres, ils sont capables de rester mondialement compétitifs. Le futur reste cependant incertain.

Mais qu'en est-il des autres PEID, comme les Comores, Cap-Vert, Sao Tomé Principe, Tuvalu, Timor-Leste et les Maldives? Sous l'OMC et l'Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce, plusieurs outils politiques que les pays en voie de développement avaient utilisés par le passé, dans une tentative d'industrialisation, afin d'attirer et retenir l'investissement direct étranger ou protéger les industries locales de la concurrence étrangère, ont été interdits.

Compétences nationales

Plusieurs de ces pays en retard, PEID ou autres, n'ont pas le temps de créer des compétences nationales ou d'offrir des avantages locaux qui inciteraient les entreprises multinationales à s'installer à l'intérieur de leurs frontières. Dans un effort qui rendrait le monde plus concurrentiel, nous semblons avoir oublié les plus faibles et les petits qui ne peuvent pas suivre la course et encore moins rattraper le peloton.

Jahan Peerally est professeure en affaires internationales à HEC Montréal.