Des investissements étrangers en baisse. Des exportations en perte de vitesse. Un gouvernement fort pessimiste... La Chine va-t-elle frapper un murcomme le prédisent certains à Washington?

Une nouvelle alarme, une énième, a résonné la semaine dernière en Chine: les investissements directs des étrangers (IDE) ont chuté de près de 10% - un premier recul depuis 2009, a révélé le gouvernement.

Pour les experts, cela confirme qu'une certaine perte de confiance s'installe parmi les investisseurs envers la deuxième économie mondiale, qui multiplie les mauvaises nouvelles ces temps-ci.

Plusieurs ont sursauté en apprenant mercredi qu'un indicateur de l'activité manufacturière, le fer de lance de l'économie chinoise, s'est contracté pour un deuxième mois d'affilée en décembre (indice PMI/HSBC).

Dans la province du Guangdong, coeur manufacturier du pays, des sociétés importantes ont fait état à l'agence AFP d'une baisse des commandes de Noël, notamment les décorations, les jouets et les produits électroniques.

Ce ralentissement est d'ailleurs manifeste dans le dernier bilan du commerce international de la Chine: son excédent commercial s'est contracté de 35% (à 14,52 milliards US) en novembre, conséquence des exportations en perte de vitesse.

Le gouvernement a jeté le blâme sur la crise financière en Europe et les difficultés persistantes aux États-Unis. Si bien que, dans un discours teinté de pessimisme, Pékin déclarait la semaine dernière que «la situation de l'économie mondiale l'an prochain sera très grave», rendant une reprise plus incertaine. Bref, il y a du sable dans l'engrenage chinois.

Un revirement

Or, certains croient que le mal est peut-être plus profond. Une responsable du Trésor des États-Unis avance même que la Chine est en train de perdre certains des atouts qui ont fait son formidable succès.

« (Les Chinois) approchent aujourd'hui la fin d'un certain nombre de facteurs très importants pour leur compétitivité», a déclaré mercredi la sous-secrétaire aux Affaires internationales, Lael Brainard, lors d'une conférence à Washington.

Main-d'oeuvre massive, salaires très faibles, investissements énormes... ces piliers économiques de la Chine s'effritent et supporteront de moins en moins la croissance dans l'avenir, soutient la responsable américaine.

«De plus en plus (la Chine) est confrontée à ce que beaucoup de pays ont connu: se retrouver coincée parmi les pays à revenus moyens», a-t-elle expliqué. Autrement dit, les Chinois vont connaître la misère des riches.

Salaires plus élevés

Signes des temps nouveaux, les médias chinois rapportent d'ailleurs qu'une série de conflits de travail ont agité en novembre certaines régions industrielles, des milliers d'ouvriers réclamant de meilleures conditions de travail.

Ces soulèvements sont de plus en plus nombreux depuis deux ans, alors que les travailleurs se plaignent de l'augmentation du coût de la vie. Et les autorités sont inquiètes.

Si bien que, d'après le ministère des Ressources humaines, 21 provinces et municipalités ont dû octroyer, en octobre, des hausses de salaire annuelles de 21%, en moyenne, pour apaiser la grogne.

Évidemment, les entreprises doivent aussi ajuster leur offre salariale pour attirer une main-d'oeuvre plus exigeante. Or, selon une étude de la firme Merrill Lynch, «China inc.» ne peut plus absorber comme avant la hausse des salaires, qui représentent la moitié des coûts des produits «à haute teneur en main-d'oeuvre», comme les chaussures.

Tout cela tombe plutôt mal, car la mauvaise conjoncture internationale freine déjà l'économie. La croissance du PIB chinois, qui a atteint 10,4% en 2010, est tombée à 9,7% au premier trimestre de cette année, puis à 9,5% au deuxième et 9,1% au troisième.

Évidemment, ces chiffres sont loin d'être mauvais. Et quoi qu'en disent les Américains, la Chine dispose toujours d'atouts énormes, dont un trésor de guerre de quelque 3000 milliards US en liquidités. De quoi donc affronter bien des tempêtes.

De plus, les experts avancent que la banque centrale annoncera sous peu de nouvelles mesures pour stimuler le crédit et l'économie domestique.

Mme Brainard soutient néanmoins que le temps, où tout était facile pour les Chinois, tire à sa fin.

«Ils vont devoir trouver comment créer de la valeur. Non pas par le biais d'investissements énormes en capital et d'une main-d'oeuvre bon marché, mais par de l'innovation... et sans s'approprier des technologies inventées ailleurs». Message reçu à Pékin?

- Deuxième économie mondiale, avec un produit intérieur brut de 6100 milliards US. - En 1978, le revenu d'un Chinois représentait 2% de celui d'un Américain. En 2010, il atteignait 10%. - En 1970, 80% de la population chinoise était rurale. Aujourd'hui, 50% de la population est urbaine.