S'il y a quelqu'un de bien placé pour mesurer le chemin parcouru par les femmes vers le pouvoir, c'est bien Monique Leroux. La présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins est devenue en 2009 et est toujours la première femme à diriger une des grandes institutions financières au Canada.

Si elle a pu arriver là, si Angela Merkel, Christine Lagarde et les autres ont conquis le pouvoir, c'est autant grâce à l'évolution normale de la société qu'aux efforts déployés pour faire plus de place aux femmes, estime-t-elle.

«C'est un peu les deux», dit-elle dans un entretien avec La Presse Affaires. «Quand j'ai décroché mon diplôme en comptabilité, il y avait moins de 10% de femmes parmi les diplômés. Aujourd'hui, il y en a plus de 50%.»

C'était en 1980. Le temps a fait son oeuvre, et il y a aujourd'hui plus de femmes dans l'entonnoir qui mène au pouvoir, du moins dans cette discipline.

Les banques canadiennes sont d'ailleurs des leaders quant à la place qu'elles font aux femmes, estime Monique Lefebvre, psychologue et auteure d'une étude sur l'évolution de la place des femmes dans les entreprises canadiennes, en collaboration avec Yvan Allaire.

Pour avoir été longtemps coach auprès des dirigeants d'entreprises, Monique Lefebvre est elle aussi très bien placée constater les progrès réalisés. «Les banques ont fait leur devoir», dit-elle, en soulignant la représentativité des femmes dans les conseils d'administration des banques canadiennes (voir le tableau).

On ne peut pas en dire autant des autres secteurs d'activités. «Il y a un plafonnement à 14 et 15% de femmes dans les conseils d'administration des entreprises canadiennes inscrites en Bourse, dit-elle. Ça n'a pas bougé depuis cinq ans».

Les deux Monique s'entendent pour dire que cette proportion doit augmenter, au moins jusqu'à 30%.

«La cible de 30%, c'est un minimum pour pouvoir développer des réseaux et créer de l'émulation», dit la grande patronne de Desjardins.

Monique Leroux ne croit pas tellement aux quotas, bien que ceux fixés par le gouvernement du Québec à ses sociétés d'État aient été un relatif succès. Elle préfère l'adhésion volontaire des membres d'une organisation à des objectifs clairs. «Il faut des objectifs, parce que sinon on n'arrive à rien», insiste-t-elle.

Monique Lefebvre pense que si rien ne change, il faudra se résoudre à imposer des mesures législatives aux entreprises. «Je sais que les femmes haïssent ça, dit-elle, mais avec le taux de recrutement actuel, on n'atteindra jamais le seuildes 20%».

Plus performantes?

Monique Leroux veut bien croire que les entreprises réaliseront d'elles-mêmes que c'est dans leur intérêt de faire plus de place aux femmes. Des études sérieuses, comme celles de la firme McKinsey, démontrent que les entreprises qui ont des femmes au sein de leur direction ont une meilleure performance que celles qui n'en n'ont pas, souligne-t-elle.

«Le style de gestion des femmes encourage le développement des personnes et la participation à la prise de décision, dit-elle. C'est ce dont les entreprises ont besoin dans le monde d'aujourd'hui.»

Monique Lefebvre croit que la contribution des femmes est sans aucun doute positive pour les entreprises. Mais elle n'explique pas une meilleure performance, ni une mauvaise d'ailleurs, selon elle. «Il y a mille facteurs qui influent sur la performance d'une entreprise. «Si tu es un imprimeur actuellement, tu souffres, qu'il y ait des femmes ou non dans l'entreprise», dit celle qui parle en connaissance de cause, parce qu'elle fait partie du conseil d'administration de Transcontinental.

Au terme de leur étude sur les entreprises canadiennes, le groupe de travail auquel a participé Monique Lefebvre suggère de leur laisser trois ans pour décider d'elles-mêmes d'augmenter la participation des femmes. «Si d'ici trois ans, rien n'a changé, on n'aura pas le choix, il faudra une loi».