La 8ème conférence ministérielle de l'OMC a ouvert ses travaux jeudi à Genève, dans un climat de crise économique et de montée du protectionnisme, dénoncé par la plupart des participants à ce grand rendez-vous du commerce mondial qui se tient tous les 2 ans.

Quelque 153 ministres du commerce, accompagnés d'importantes délégations, ainsi que de nombreux observateurs, se sont rendus à Genève pour discuter de l'avenir des négociations sur le Cycle de Doha, ayant pour but de libéraliser le commerce mondial, et qui sont dans l'impasse.

«Votre tâche est de contribuer à restaurer un climat de confiance», c'est «une partie de la solution à la crise actuelle», a déclaré Pascal Lamy, directeur général de l'OMC aux conférenciers.

«Nous sommes à la croisée des chemins», a-t-il ajouté, soit le système continue dans la voie du multilatéralisme, soit il s'arrête, et ce sera «une défaite», a-t-il estimé.

Le coût économique «d'importantes mesures protectionnistes» pourrait s'élever à environ 800 milliards de dollars, a-t-il estimé, «les vagues de la tempête que nous traversons font bouger l'ancre, et elle risque de lâcher, ce serait une très mauvaise nouvelle».

De son côté, le ministre nigerian du commerce, qui préside la conférence, a déploré de voir la «montée de mesures protectionnistes un peu partout dans le monde». «Notre mission est d'y mettre fin, et succomber à ces pressions serait la plus mauvaise réponse aux défis économiques actuels», a-t-il ajouté.

Il a également lancé un appel aux 153 ministres présents à Genève pour qu'ils rappellent que les règles de l'OMC ont pour but d'empêcher que les pays retombent dans une dépression comme dans les années 30, provoquée par des mesures protectionnistes.

Confrontés à un afflux d'importations bon marché, certains pays ont relevé leurs tarifs douaniers, une mesure protectionniste classique, afin de protéger leur production locale.

Ainsi, la décision récente du Brésil de relever de 30% les taxes douanières sur tous les véhicules qui ne sont pas fabriqués à au moins 65% dans les pays du Mercosur, l'alliance commerciale liant les pays d'Amérique du sud, a été dénoncée.

A la veille de l'ouverture de la conférence de l'OMC, Pékin a aussi annoncé de nouvelles taxes douanières sur certains véhicules américains.

Juste avant le début de la conférence ministérielle, un accord sur les marchés publics a cependant été conclu jeudi in extremis, après plus de 10 ans de négociations entre quelques pays membres de l'OMC.

«Cet accord est bienvenu», a déclaré Pascal Lamy, car il «ouvre un nouvel accès aux marchés publics entre les signataires».

Les nouveaux domaines couverts permettaient de faire passer la valeur couverte par l'accord de 500 milliards d'euros à 600 milliards.

Dans la plupart des pays, les marchés publics représentent un très important secteur économique, qui correspond à 15%-20% du produit intérieur brut. Pour l'Union européenne (UE), le pourcentage est de presque 20%, et en Inde, il est de 30%.

Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat français au commerce extérieur, s'est aussi félicité de l'accord, et estime que «la priorité doit désormais être la mise en oeuvre début 2012 d'un instrument européen ambitieux en matière de réciprocité sur les marchés publics».

Vendredi, au deuxième jour de la conférence, dont l'ordre du jour officiel concerne l'état des négociations du cycle de Doha, au point mort depuis 2 ans, l'OMC accueillera son 154ème membre, la Russie.

Une cérémonie officielle de signature est prévue vendredi après-midi.

Des opposants russes à cette adhésion, qui selon eux sera ruineuse pour la Russie, ont annoncé des manifestations à Genève et à Moscou, au moment de la signature.

Jeudi, jour d'ouverture de la conférence, une manifestation d'opposants à l'OMC a déjà eu lieu.

Les Indignés de Genève et une dizaine d'ONG ont protesté jeudi contre la tenue de cette conférence, en dressant une tente sur un terrain face au centre abritant la réunion.

«Nous voulons protester contre cette institution qui promeut la libéralisation des échanges au profit des plus forts», a déclaré un manifestant.