Dix ans après l'entrée de la Chine dans l'OMC, les investisseurs étrangers se plaignent toujours de nombreuses restrictions dans l'accès au marché chinois et d'un manque de transparence, tandis que le pays a tant prospéré qu'il s'est hissé au rang de 2e puissance économique mondiale.

En une décennie, le Produit intérieur brut (PIB) chinois a presque été multiplié par quatre, les exportations par 4,9 et les importations par 4,7, a relevé mercredi Chong Quan, représentant adjoint au Commerce international au ministère du Commerce, avant la date anniversaire du 11 décembre.

La part de la Chine, désormais premier exportateur et deuxième importateur mondial, dans les échanges internationaux est passée de 4,3% à 10,4%, a ajouté M. Chong.

«Cette ascension spectaculaire n'aurait pas été possible sans le système de libre-échange dont la Chine a bénéficié au cours de la dernière décennie», a estimé dans un communiqué le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht.

«Mais la Chine doit non seulement reconnaître et respecter ses responsabilités juridiques en tant que membre de l'OMC, mais aussi son esprit, en promouvant dans sa législation l'ouverture des marchés et des principes de non-discrimination, et en les faisant appliquer», a souligné M. De Gucht.

Dans un Livre blanc publié mercredi, le gouvernement chinois assure que «tous les engagements pris par la Chine lors de son entrée à l'OMC ont été tenus».

Les importations chinoises ont permis de créer 14 millions d'emplois dans le monde et les entreprises étrangères implantées dans le pays ont réalisé 262 milliards de dollars de bénéfices depuis 2001, selon ce document.

Mais selon un rapport publié l'an dernier par l'Economic Policy Institute, 2,4 millions d'emplois américains ont été perdus ou délocalisés entre 2001 et 2008 à cause de l'énorme déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine.

Sur le plan juridique, le bilan de la Chine devant les instances de l'OMC à Genève est plutôt bon.

«Jusqu'à maintenant, elle a perdu dans huit cas et modifié en conséquences ses lois et règlements nationaux dans sept d'entre eux», selon M. Scott Kennedy, directeur du Centre de recherche sur la politique et les affaires en Chine à l'Université de l'Indiana, aux États-Unis.

Il relève que les États-Unis et l'Union européenne «ont fait l'objet de plaintes bien plus souvent que la Chine, et leur bilan pour se mettre en conformité est équivalent, ou pire que celui de Pékin».

Mais «les négociations à l'OMC ne sont pas allées assez loin. Elles ont largement laissé de côté le secteur des services», regrette Ben Simpfendorfer, du cabinet de consultants Silk Road Associates, basé à Hong Kong.

Selon le gouvernement, cela devrait changer et le volume du commerce des services être multiplié par quatre dans les cinq ans à venir.

La Chambre de commerce européenne en Chine insiste dans son dernier rapport publié en septembre sur toute une série de restrictions pesant sur des secteurs-clé de l'économie.

Dans l'automobile par exemple, où la Chine est depuis 2009 le premier marché mondial, la part des étrangers est limitée à 50% et ces derniers doivent s'associer à un partenaire local. Dans les banques, la participation étrangère est limitée à 25%.

«Nombre de gens trouvent que la Chine n'a pas toujours respecté l'esprit de l'adhésion à l'OMC», a déclaré à l'AFP Gilbert Van Kerckhove, président du groupe de travail sur marchés publics de la Chambre de commerce européenne en Chine, en précisant qu'il s'exprimait à titre personnel.

Ces marchés publics (transports, traitement des eaux, équipements) représentent un volume d'affaires colossal de 1200 milliards de dollars par an, soit environ 20% du PIB chinois, dont les sociétés étrangères restent largement à l'écart à cause d'appels d'offre peu transparents qui leur laissent peu de chances.

Mais «il est très difficile d'attaquer la Chine à l'OMC, parce que sur le papier, ils suivent les règles et que la discrimination est souvent compliquée à démontrer», selon M. Kerckhove.

Et les entreprises étrangères présentes en Chine hésitent souvent à se plaindre trop ouvertement de peur d'être éliminées du marché.

Le gouvernement central a bien adopté une loi sur les appels d'offre, mais elle vise avant tout à éliminer la corruption et le protectionnisme local pour améliorer les conditions de marché à l'intérieur même du pays.

L'adhésion à l'OMC a en effet permis d'introduire davantage de mécanismes de marché dans le pays, s'accordent à dire experts chinois et étrangers.

«Que ce soit l'industrie ou les services, y compris la finance et l'assurance, ils se sont adaptés aux règles et aux exigences de l'économie de marché», estime le directeur de l'Institut d'études sur l'OMC, Zhang Hanlin.