Désendetter les États tout en soutenant la croissance: le double objectif affiché par les gouvernements européens est un casse-tête qui ne peut-être résolu que dans un avenir plus ou moins lointain.

Plusieurs pays en ont fait leur priorité face à la crise. Ainsi, le nouveau chef du gouvernement italien Mario Monti veut-il «assainir la situation financière» et «reprendre le chemin de la croissance».

Avant de prendre la tête du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde avait tenté de théoriser cette politique par un néologisme, la «ri-lance», «subtil dosage» de «rigueur» et de «relance» de l'activité.

Concrètement, cela est censé se traduire par de mesures d'austérité «favorables à la croissance» et la mise en oeuvre, en parallèle, de «réformes structurelles» susceptibles de libérer, sur le long terme, l'activité.

Cette combinaison d'inspiration libérale, mais désormais au programme de plusieurs gouvernements sociaux-démocrates, est le credo de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Directeur adjoint de son département économique, Jean-Louis Schneider énumère les mesures pour réduire le déficit sans menacer la croissance: baisse des dépenses pour rationaliser le secteur public, élimination des niches fiscales inutiles, et, éventuellement, augmentation de la TVA et des taxes sur la propriété immobilière ou les activités polluantes.

Dans le même temps, il préconise de réformer les retraites et le système de santé, d'assouplir les règles d'entrée dans certaines professions trop fermées, et de flexibiliser le marché du travail.

«Cela peut être gagnant dès aujourd'hui», assure l'économiste de l'OCDE à l'AFP. «Dans le cas de l'Italie, les marchés s'inquiètent avant tout de ses mauvaises perspectives économiques de long terme. S'ils voient qu'on s'attaque à ce problème, ils allègeront la pression», prédit-il.

Les économistes sont toutefois partagés sur les effets d'une telle politique.

L'Américain Michael Burda, de l'Université Humboldt de Berlin, juge l'équation «possible» en «libérant les forces trop longtemps corsetées».

Selon lui, les économies grecque et italienne, «encore largement sous la coupe de l'État», peuvent se permettre de profonds changements «à moindre coût», via des privatisations et l'ouverture de plusieurs secteurs à la concurrence.

«C'est un processus douloureux», reconnaît-il. «Par exemple, les chauffeurs de taxi grecs, qui ont chèrement acquis leur licence, seront dans un premier temps les perdants d'une libéralisation de leur marché. Mais ensuite toute l'économie sera gagnante.»

Seulement, ajoute-t-il, ces réformes, difficiles à mettre en oeuvre dans un climat social tendu, «prennent du temps».

Difficile de dire combien il faut attendre avant d'en ressentir les bienfaits. «Au moins trois ans, probablement cinq», tente Michael Burda.

Plus sévère, Jean-Paul Fitoussi, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), critique ces «vieilles recettes», évoquant des études qui montrent que «les répercussions sur la croissance et l'emploi sont au mieux de l'ordre de quelques chiffres après la virgule».

«On défend les réformes structurelles pour résoudre une crise de l'instantané, alors que leurs effets bénéfiques se feront sentir, au mieux, sur le long terme», déplore-t-il.

Pour lui, ces mesures peuvent même avoir un «effet récessif» dans l'immédiat, car elles donnent un sentiment de précarité aux salariés et les incitent à épargner.

Roberto Perotti, de l'université Bocconi de Milan, convient que les plans d'austérité affecteront d'abord durablement la croissance. Mais il les justifie, comme la plupart des économistes, par la nécessité de calmer les marchés et de rendre les dépenses publiques plus soutenables.

Une position que conteste Jean-Paul Fitoussi. A ses yeux, la simultanéité des plans de rigueur dans tous les pays de la zone euro aggrave la situation et alimente le «cercle vicieux» récession-austérité-récession.